Feu Mathias Pascal by Pirandello Luigi

Feu Mathias Pascal by Pirandello Luigi

Auteur:Pirandello, Luigi [Pirandello, Luigi]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Italienne
Éditeur: Bibliothèque de Skystan - Lien privé
Publié: 2009-03-28T18:29:45+00:00


Chapitre 12

L’ŒIL ET PAPIANO

– La tragédie d’Oreste dans un théâtre de marionnettes ! vint m’annoncer M. Anselme Paleari. Marionnettes automatiques, de nouvelle invention. Ce soir, à huit heures et demie, rue des Préfets, numéro 54. Ce serait le cas d’y aller, monsieur Meis.

– La tragédie d’Oreste ?

– Parfaitement ! D’après Sophocle, dit l’affiche. C’est probablement l’Électre. Maintenant, écoutez un peu quelle idée bizarre me vient à l’esprit ! Si, au point culminant de l’action, exactement quand la marionnette qui représente Oreste va venger la mort de son père sur Égisthe et sa mère, on faisait une déchirure dans le ciel de papier du petit théâtre, qu’adviendrait-il ? Que ferait Oreste ? Dites-moi ?

– Je n’en sais rien, répondis-je en haussant les épaules.

– Mais c’est bien facile, monsieur Meis ! Oreste se trouverait terriblement déconcerté par ce trou dans le ciel.

– Et pourquoi ?

– Laissez-moi dire. Oreste sentirait encore les ardeurs de la vengeance, il voudrait les satisfaire avec une rage impatiente, mais ses yeux, à cet instant, s’en iraient là, à cette déchirure, d’où à présent toutes sortes de mauvaises influences pénétreraient sur la scène, et il sentirait les bras lui tomber. Oreste, en somme, deviendrait Hamlet. Toute la différence, monsieur Meis, entre la tragédie antique et la moderne, consiste en cela, croyez-moi : un trou dans le ciel de papier.

Et il s’en alla, traînant ses savates.

Des cimes nuageuses de son abstraction, M. Anselme laissait souvent rouler ainsi, comme des avalanches, ses pensées. La raison, le lien, l’opportunité de celles-ci restaient là-haut, dans les nuages, de façon qu’il devenait difficile à qui l’écoutait d’y comprendre quelque chose.

L’image de la marionnette d’Oreste, déconcertée par le trou dans le ciel, me resta toutefois quelque temps dans l’esprit : « Heureuses les marionnettes ! soupirai-je. Sur leurs têtes de bois, le faux ciel se conserve sans déchirures ! Ni perplexités anxieuses, ni gênes, ni entraves, ni ombres, ni pitié : rien ! Et elles peuvent se donner bravement et prendre goût à leur comédie et s’aimer elles-mêmes et se tenir en considération et en estime, sans souffrir jamais de vertiges, sans que la tête leur tourne, car pour leur taille et pour leurs actions, ce ciel-là est un toit proportionné. »

« Et le prototype de ces marionnettes, cher monsieur Anselme, pensai-je encore, vous l’avez chez vous, et c’est votre indigne gendre Papiano. Qui est plus que lui satisfait du ciel de carton bien bas qui se tient sur sa tête ? La vie pour lui est comme un jeu d’adresse. Et comme il jouit en se fourrant dans toutes les intrigues : vif, entreprenant, hâbleur ! »

Papiano avait environ quarante ans, était de haute taille, avec des membres robustes ; un peu chauve, avec une grosse paire de moustaches à peine grisonnantes sous un nez aux narines frémissantes ; il avait les yeux gris, aigus, inquiets comme ses mains. Il voyait tout et touchait à tout. Par exemple, tout en me parlant à moi, il s’apercevait, je ne sais comment, qu’Adrienne, derrière lui,



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