Faim by Knut Hamsun

Faim by Knut Hamsun

Auteur:Knut Hamsun [Hamsun, Knut]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-08-11T04:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

UNE semaine passa dans la magnificence et la joie. Le pire était passé, cette fois-là aussi, j’avais à manger chaque jour, mon courage croissait et je mettais des projets en route l’un après l’autre. J’avais trois ou quatre opuscules en train qui dévalisaient mon pauvre cerveau de chaque étincelle, chaque pensée qui y surgissait et il me semblait que cela allait mieux qu’avant. Le dernier article qui m’avait valu tant d’allées et venues et tant d’espoirs, m’avait déjà été rendu par le rédacteur en chef et je l’avais détruit sur-le-champ, fâché, offensé, sans le relire. À l’avenir, je voulais essayer auprès d’un autre journal pour m’ouvrir plusieurs débouchés. Dans le pire des cas, si cela aussi ne réussissait pas, j’avais les bateaux auxquels recourir. La Nonne était à quai, prête à partir et je pourrais peut-être trouver du travail sur ce bateau à destination d’Archangel ou n’importe, là où elle irait. Ainsi, je ne manquais pas de perspectives, de bien des côtés.

La dernière crise m’avait passablement maltraité. Je commençais à perdre des cheveux en grande quantité, la migraine me faisait beaucoup souffrir aussi, surtout le matin et ma nervosité ne voulait pas se rendre. Dans la journée, j’écrivais maintenant, les mains enveloppées de linges uniquement parce que je ne supportais pas ma propre haleine dessus. Lorsque Jens Olai claquait brutalement la porte de l’écurie en dessous, ou quand un chien entrait dans l’arrière-cour et se mettait à aboyer, il y avait comme des pointes glacées qui me transperçaient les moelles et les os, partout. J’étais bien affaibli.

Jour après jour, je m’évertuais, m’accordant à peine le temps d’avaler ma nourriture avant de me rasseoir pour écrire. En ce temps-là, mon lit et ma petite table branlante étaient submergés de notes et de feuillets rédigés auxquels je travaillais tour à tour, ajoutant de nouvelles choses qu’il m’arrivait d’avoir dans l’idée au cours de la journée, raturant, ravivant les points morts d’un mot coloré çà et là, trimant pour progresser à grand-peine de phrase en phrase. Un après-midi, l’un de mes articles fut enfin terminé et je le fourrai, joyeux et content, dans ma poche et me rendis chez « le commandeur ». Il était grand temps que je me mette en devoir de retrouver un peu d’argent, il ne me restait pas beaucoup d’øre.

« Le commandeur » me pria de m’asseoir un instant, il allait tout de suite… et il continua d’écrire.

Je regardai autour de moi dans le petit bureau : des bustes, des lithographies, des coupures de journaux, une corbeille à papiers démesurée qui avait l’air de pouvoir avaler un homme tout entier. Je me sentais le cœur triste à la vue de cette béance énorme, de cette gueule de dragon qui restait toujours ouverte, toujours prête à accueillir de nouveaux travaux mis au rebut – de nouveaux espoirs écrasés.

« Quel jour sommes-nous ? » dit soudain « le commandeur » à sa table.

« Le 28 », répondis-je, content de pouvoir lui rendre service.

« Le 28 ». Et il continua d’écrire.



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