Le Compagnon du tour de France by George Sand

Le Compagnon du tour de France by George Sand

Auteur:George Sand [Sand, George]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-11-01T03:26:36+00:00


CHAPITRE XXI

Pierre fit de vains efforts pour arracher le Corinthien de la danse. – Laisse-moi épuiser cette folie, lui répondait le jeune homme. Je t’assure que je suis encore maître de moi-même. D’ailleurs c’est la dernière fois que je braverai ce danger. Mais regarde ; la voilà seule au milieu de tous ces villageois, dont quelques-uns sont avinés. Cette petite Julie n’est pas un porte-respect pour elle ; et si c’était moi, comme tu le penses, qu’elle est venue se risquer dans cette foule un peu brutale, ne serait-ce pas mon devoir de veiller sur elle et de la protéger ? Va, Pierre, une femme est toujours une femme, et l’appui d’un homme, quel qu’il soit, lui est toujours nécessaire.

L’Ami-du-trait fut forcé d’abandonner le Corinthien à lui-même. Il se sentait devenir de plus en plus triste en assistant au spectacle de ce bonheur plein de périls et d’ivresse qui réveillait douloureusement en lui sa souffrance cachée. Il se demandait alors s’il avait bien le droit de blâmer une faiblesse à laquelle, dans le secret de ses pensées, il s’était vu près de succomber, et dont il n’eût pu sans mentir se dire radicalement guéri. Il s’enfonça dans le parc, dévoré d’une étrange inquiétude.

Il oublia l’heure qui marchait et le soleil qui, en montant sur l’horizon, lui mesurait sa tâche de travail. Il tomba le visage cotre terre, et se tordit les mains en versant des torrents de larmes.

Il était là depuis longtemps lorsqu’en relevant la tête pour regarder le ciel avec angoisse il vit devant lui une apparition qu’il prit, dans son délire, pour le génie de la terre. C’était une figure aérienne, dont les pieds légers touchaient à peine le gazon, et dont les bras étaient chargés d’une gerbe des plus belles fleurs. Il se releva brusquement, et Yseult, car c’était elle qui faisait paisiblement sa poétique récolte du matin, laissa tomber sa corbeille, et se trouva devant lui, pâle, stupéfaite et tout entourée de fleurs qui jonchaient le gazon à ses pieds. En reprenant sa raison et en reconnaissant celle qui lui avait fait tant de mal, Pierre voulut fuir ; mais Yseult posa sur sa main une main froide comme le matin, et lui dit d’une voix émue :

– Vous êtes bien malade, ou vous avez un grand chagrin, monsieur. Dites-moi le malheur qui vous est arrivé, ou venez le confier à mon père ; il tâchera de le réparer. Il vous donnera de bons conseils, et son amitié pourra peut-être vous faire du bien.

– Votre amitié, madame ! s’écria Pierre encore égaré et d’un ton amer ; est-ce qu’il y a de l’amitié possible entre vous et moi ?

– Je ne vous parle pas de moi, monsieur, répondit mademoiselle de Villepreux avec tristesse ; je n’ai pas le droit de vous offrir mon intérêt. Je sais bien que vous ne l’accepteriez pas.

– Mais à qui donc ai-je dit que j’étais malheureux ? s’écria Pierre avec une sorte d’égarement que dissipaient peu à peu la confusion et



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