Dragon de glace by George. R. R. MARTIN

Auteur:George. R. R. MARTIN [Martin, George R. R.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: nouvelles, fantasy, fantastique, dragon, loup-garou, horreur
Éditeur: Editions ActuSF
Publié: 2012-02-24T05:00:00+00:00

« The Pear-Shaped Man » © George R. R. Martin, 1987.

Traduction © Le Bélial', 2004.

Première parution en France dans Bifrost n° 33.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Gilles Goullet.

Parution originale dans Omni, octobre 1987.

Portrait de famille

Richard Cantling trouva le paquet appuyé contre sa porte d'entrée, un soir de fin octobre, alors qu'il s'apprêtait à partir pour sa promenade. Il en fut agacé. Il avait dit de nombreuses fois à son facteur de sonner quand il livrait quelque chose de trop volumineux pour passer par la fente de la boîte aux lettres ; et malgré cela, l'homme persistait à abandonner les colis sous la véranda, où n'importe quel passant pouvait tout simplement les prendre et partir avec. Même si, pour être honnête, la maison de Cantling était plutôt isolée, perchée sur la berge escarpée de la rivière, au bout d'un cul-de-sac. Les arbres la dissimulaient bien depuis la rue. Néanmoins, la pluie, le vent ou la neige pouvaient toujours causer des dégâts.

Le mécontentement de Cantling ne dura qu'un instant. Enveloppé dans un épais papier brun et soigneusement cacheté avec du ruban adhésif, le colis avait une forme qui ne trompait pas. C'était de toute évidence un tableau. Et la main qui avait rédigé son adresse au marqueur vert en gros caractères d'imprimerie était indubitablement celle de Michelle. Un autre autoportrait, donc. Elle devait éprouver des remords.

Il était plus surpris qu'il ne voulait l'admettre, même en lui-même. Il avait toujours été têtu. Il était capable d'en vouloir à quelqu'un pendant des années, voire même des décennies, et il avait les plus grandes difficultés à se reconnaître un tort quelconque. Étant son seul enfant, Michelle semblait tenir ça de lui. Il ne s'était pas attendu à ce genre de geste, venant d'elle. C'était ... eh bien, c'était gentil.

Il mit de côté son bâton de marche pour traîner le paquet à l'intérieur, où il pourrait le déballer à l'abri de l'humidité et des bourrasques du vent d'octobre. Il mesurait environ quatre-vingt-dix centimètres de haut et était étonnamment lourd. Cantling le porta tant bien que mal, fermant la porte du pied et avançant à grand-peine le long du vestibule, en direction de son repaire. Les rideaux bruns étaient hermétiquement fermés ; l'atmosphère de la pièce était sombre, alourdie par l'odeur de poussière. Cantling dut poser le paquet pour chercher la lumière à tâtons.

Il avait passablement délaissé son repaire depuis cette nuit-là, deux mois plus tôt, quand Michelle était partie comme une furie. Son autoportrait était toujours accroché au-dessus du large manteau en ardoise de la cheminée. L'âtre, lui, réclamait à grands cris d'être nettoyé et sur les étagères encastrées, ses romans – tous reliés de beau cuir sombre – étaient mal rangés, et couverts de poussière. Cantling regarda l'ancien tableau et sentit une bouffée de colère lui revenir brièvement, immédiatement suivie d'une vague déprime. Il avait été moche avec elle. Le portrait était plutôt réussi, en fait. Il était bien plus à son goût que les abstractions torturées que Michelle aimait peindre pour son plaisir ou les banales couvertures de livre de poche qu'elle faisait pour gagner sa vie.

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