disco biscuits by Sarah Champion (présenté par)

Auteur:Sarah Champion (présenté par)
La langue: fra
Format: epub

Traduit de l’anglais par Aline Azoulay

Titre original : Sangria

Charlie Hall

La Caisse

La lumière me gêne, elle me brûle les yeux. Cet environnement sec est juste fait pour attendre et chercher ; attendre et se ronger les sangs. Je suis avec des vacanciers qui poussent des cris d’excitation, ils découvrent du « nouveau ». D’autres, épuisés par le vol, regardent tout autour d’eux comme si on les avait balancés dans cet endroit d’un autre temps. Ils traînent çà et là, perplexes.

J’aurais dû dire au revoir ou au moins laisser un mot. Je ne pense pas avoir commis un crime contre l’humanité mais… bon, j’aurais dû dire « Au revoir ». Mais alors il y aurait eu une scène, des récriminations. Je me serais mis en retard. Le chauffeur de taxi, un connard hargneux et impatient, était déjà assez insupportable comme ça. « Oui, ça me dérange que vous fumiez », ce genre de trucs, et qui râlait en poussant tout son bordel dans le coffre pour y charger mes caisses – comme s’il m’accordait vraiment une faveur immense en venant me chercher.

« C’est ton putain d’BOULOT, nom de nom ! » je me dis en arrivant à l’aéroport. Il ouvre le coffre de sa Datsun miteuse et me regarde droit dans les yeux. Je l’imagine : « J’les ai chargées, maintenant elles sont coincées, vous avez qu’à les sortir vous-même. » Et je me dis : « Mais bordel de merde, il aurait fallu que je conduise la bagnole, tant qu’on y est ! » Je vais chercher un chariot et le regarde se battre avec mes caisses de disques. Je demande un reçu alors il est obligé de s’engloutir à nouveau dans sa bagnole et je lui file le montant exact. Pour le pourboire, va te faire foutre.

J’aurais pu dire quelques mots gentils avant d’aller me coucher, mais l’angoisse du voyage commençait déjà à me travailler et la coke m’empêchait de dormir, alors je me suis roulé un spliff. Quand je suis allé me recoucher, elle s’est arquée tout contre moi, et je me suis senti comme du cristal prêt à se briser. Bon Dieu, je sortais juste de l’ambiance du Complex. Quelques heures avant, j’avais fumé des spliffs avec les mecs et quand ils étaient partis j’étais resté seul avec elle, alors je suis allé me coucher et étendu, je l’ai écoutée, en me demandant si elle était réveillée ; la tension planait dans l’atmosphère, y avait les mots sur le bout de mes lèvres. J’aurais au moins pu dire quelque chose. Ses jambes chaudes par-dessus les miennes, j’avais tellement la frousse que j’avais envie de la frapper mais le spliff m’a calmé. J’ai bien tenté de la serrer dans mes bras pour que les mots me viennent plus facilement. Et puis juste au moment où je basculai dans le sommeil, le réveil a sonné.

On a tous les yeux rivés sur les tableaux comme des écoliers bien obéissants. Le numéro du vol apparaît et on fait bientôt la course avec nos chariots.

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