072 - En avant la moujik (1969) by San-Antonio

072 - En avant la moujik (1969) by San-Antonio

Auteur:San-Antonio [San-Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: San-A
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


XVI

JEUDI 11 HEURES (L’HEURE DU BOUILLON)

Il est arrivé à ski-doo à notre cabane. Je comprends la raison de cette motorisation une fois que j’ai pu apprécier la distance séparant notre cabane de son P.C.

Malgré la couverture pliée en quatre sur la selle de l’engin, et qu’il me conseille de jeter sur mes épaules, je suis mort de froid lorsque nous parvenons à destination ; bien que je me sois blotti derrière son large dos.

Je la croyais immense, cette base alaskienne. Erreur ; elle est gigantesque. On parcourt au moins trois kilomètres avant d’arriver chez Birthday. Chemin pétaradant, on passe devant des groupes de bâtiments, des hangars, des bois de sapins.

Notez, on a toujours tendance à appeler tous les conifères des sapins. En réalité, il s’agit là de mordicus persistants à valvules circonflexes. Vous savez que moi, sans être un botaniste distingué, j’ai la marotte des conifères. Je vous l’avais jamais dit ? Ben vous ne l’ignorerez plus maintenant ! Mon beau sapin, roi des forêts... Ça doit remonter à mes Noëls d’enfant, cet amour du sapin.

Quand je canerai, je défends qu’on m’embourbe dans un lardeuss de chêne. Énergiquement ! Ce serait trop gland. Je veux du sapinuche pur sucre ! Du tout venant pas vernis moucheté de beaux nœuds roses.

Constatant mon intérêt pour la chose sapinière, m’man m’avait offert un bel album de chez Payot (Lausanne, Suisse) où de baths planches en couleur racontaient toutes les catégories de conifères. (Fatalement, fallait des planches pour raconter les sapins !) Sur ce majestueux bouquin, on expliquait ce qui les différenciaient les uns des autres, les conifères. Leurs feuilles quelquefois caduques. La forme de leurs branches. La qualité de leurs pommes. On peut pas se figurer, lorsqu’on est aussi analphabètes (et méchants) que vous, le nombre d’espèces existantes. Des conifères à épines, tenez ! Vous le saviez pas, hein ? Des qu’ont la forme d’un pébroque, d’autres qui ressemblent à des champignons. Certains qui se différencient mal des arbres normaux. Et puis des minuscules, bien nains, et des géants. Leurs manies aussi, à ces bons arbres. Leurs délicatesses pour certains. La manière qu’ils supportent pas les promiscuités. Foutez un marronnier tout près d’un sapin, par exemple, et vous verrez comme le second s’étiole. Il lui pousse pas de branches du côté marronnier, il est blessé, étouffé par ce voisinage. Par contre, plantez des sapins très serré, vous constaterez qu’ils fraternisent. Leurs branches se glissent l’une sur l’autre.

Je vous fais un cours d’arboriculture, parce que j’ai un dessein derrière la tête, mes gredins ! Croyez pas que j’essaye de vous éduquer : à l’impossible nul détenu. Je prépare seulement mes arrières, les gars. Je balise mon récit pour ainsi dire, vous le comprendrez dans un peu moins de pas longtemps.

Bref, malgré le froid cruel, j’admire ces splendides boqueteaux de mordicus car c’est la première fois qu’il m’est donné d’en voir sur pied. Faut que je les profite, m’en repaisse les chasses. Il pousse pas n’importe où, le mordicus, surtout le persistant à valvules circonflexes.



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