077 - Emballage cadeau (1971) by San-Antonio

077 - Emballage cadeau (1971) by San-Antonio

Auteur:San-Antonio [San-Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: San-A
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


9

C’est pas un loquace, Beulmann.

Pour pouvoir engager la conversation avec lui, faudrait un gros maillet de bois et mettre de la vaseline autour. Je contemple les deux passagers de l’arrière. Couple singulier...

Ann Farragus, grave, d’une distinction presque européenne, silencieuse. Réprouvant visiblement cette présence qui lui est imposée par son prudent mari.

Beulmann, énorme, dont les fringues semblent prêtes à craquer de toute part, respirant fort, suant beaucoup, puant de même, il chlingue la chaussette inchangée, la transpiration de rouquin (bien qu’il soit plutôt brun). Il a l’air de penser qu’il devrait essayer de penser. Ça lui occasionne du souci sur la frite, autour des yeux. Y'a du doute chez ce mec, à l’encontre de Béru qui, lui, flotte dans des plénitudes et des sérénités. Il appartient à la race préoccupante du con tourmenté.

— Vous êtes toujours flanqué d’un gorille, lorsque vous vous déplacez, chère madame Farragus ? je demande.

Elle ne répond rien, mais Beulmann pousse un léger barrissement et lève sa grosse pogne pour une mendale.

Sa patronne lui retient le bras. A mon côté, le chauffeur s’efforce de sourire avec discrétion. Seulement il est duraille à un Noir de camoufler ses rires. Dès qu’il découvre ses ratiches, tout de suite c’est l’éblouissement. On est obligé de chausser des lunettes de soleil.

— Un des inconvénients de la fortune, c’est qu’il faut la faire garder, ajouté-je. Cette perspective me console de ne pas être riche. Je vivrais difficilement avec des sentinelles et je suis tellement linotte que j’oublierais la combinaison de mes coffres...

— Je ne suis pas riche, rétorque Ann. C’est mon mari qui l’est. J’ai passé la plus grande partie de ma vie dans une aisance très relative...

Juste comme elle dit cela on stoppe à un feu rouge. Et c’est alors que l’incident se produit. Une voix joyeuse se met à égosiller des « hello Tony ». Je me détranche et qu’aperçois-je, à califourchon à l’arrière d’une énorme moto ? Julia, la polissonne fifille au gros Black. Elle tient ses deux bras noués à la taille d’un grand diable blond, dont la chevelure à ressort ressemble à une fourchetée de paille. Ils sont en jean, avec l’un et l’autre des tee-shirts noirs sur lesquels on a peint une chouette tête de mort. La moto fait je ne sais pas combien de cylindrée (c’est vous dire !) et comporte un immense guidon pareil aux cornes d’un mouflon.

— Salut, môme ! lancé-je gaiement. Vous voilà en vadrouille ?

— J’adore la moto, c’est excitant, m’assure la donzelle. Je fréquente Franky à cause de ça, uniquement à cause de ça, parce qu’autrement il fait l’amour comme un pasteur !

Elle me cligne de l’œil ;

— Rien de commun avec qui vous savez. Tony !

— Et chez vos vieux, ça boume ? coupé-je promptement, avant que nous tombions dans le scabreux intégral.

— Au poil ! P’pa est toujours aussi con, et ma belle-mère toujours aussi salope !

Le feu palpite, signifiant qu’il va changer.

— Il se portait bien, le gros Black, hier soir ? demandé-je avidement.

— Comme un goret repu, affirme l’irrévérencieuse fille.



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