037 - Tout le plaisir est pour moi (1959) by San-Antonio

037 - Tout le plaisir est pour moi (1959) by San-Antonio

Auteur:San-Antonio [San-Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: San-A
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE XI

La séparation est cruelle mais nécessaire. Le trio des bouseu’s brothers cavale à l’étable tandis que je reprends la route aux côtés de mon valeureux compagnon d’insomnie.

— Où qu’on va, demande le Gros, à la drume ? J’ai une de ces envies de coucouche-panier qui tiendrait pas dans un n’hamac.

— On va à trente mètres d’ici, fais-je, péremptoirement.

Il grogne en arrachant d’un geste sec un poil de son nez.

— Je m’en gaffais que t’allais vouloir explorer cette maison.

— Ça prouve que tu connais à fond l’homme d’élite que je constitue.

Le Gravos s’emporte – ce qui constitue un exploit lorsqu’on pèse, comme lui, cent vingt mille grammes.

— L’homme d’élite me court sur…

Là il cite le nom d’un étrange parcours que je ne souhaite à personne, pas même au morbach le plus antipathique.

— À cause de c’t’homme d’élite, je mène une vie de galérien ! Jamais dans les toiles en même temps que ma femme ! C’est pas une vie.

— Heureusement que tu n’es pas dans les toiles en même temps que ta doudoune, fais-je remarquer, à trois vous ne seriez pas à l’aise pour pioncer.

— Qu’est-ce que tu oses insinuer ?

Ayant fulminé, il tousse, j’en profite pour descendre de sa charrette fantôme et pour m’approcher du pavillon jouxtant la ferme des Mathieu. Il s’agit d’une charmante maisonnette en pierres plates, à demi couverte de vigne vierge aux feuilles vernissées qui miroitent doucement sous la lune. (Pour les ceuss qui aiment les descriptions poétiques, je tiens à préciser que je travaille aussi à façon et que je prends des commandes moyennant un droit d’inscription de vingt-cinq francs.)

Une barrière blanche cerne la petite propriété. La sauter n’est pas difficile pour un homme entraîné. Le Gros qui veut m’imiter est moins souple que son valeureux chef et, bien entendu, ne manque pas cette occasion qui lui est offerte de s’empaler sur un pieu acéré. Ce serait Charpini, il n’y aurait pas de mâle, mais Béru est un timide qui ne s’est jamais accordé plus que de parcimonieux suppositoires, aussi se met-il à bramer. Je le dégage de sa fâcheuse posture. Il se fait un massage du fion et se penche en me demandant si son pantalon est endommagé. Le fond de ce dernier n’est plus qu’un souvenir.

— Tu peux dire que ton falzar a eu une belle mort, dis-je en hochant la tête. C’est bien celui que tu avais acheté d’occasion en 1928 au Carreau du Temple ?

— Je veux pas le savoir ! tonne le Gros. Faudra me carrer ça sur une note de frais, commissaire de mes choses ! C’est pas assez de laisser sa viande dans ce métier, faut aussi sacrifier ses fringues ! Qu’est-ce qu’elle va dire, ma Berthe, en me voyant rappliquer comme ça ! Hein ? Sans compter que je me suis fait un mal de chien et que je vais avoir le valseur consterné d’esquimaux demain. Suppose que je me fasse un levage, tu me vois déballer ma viande avariée ?

— T’auras qu’à fermer les rideaux et ôter l’ampoule électrique avant de te dessaper, mec.



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