Chercher Sam by Sophie Bienvenu

Auteur:Sophie Bienvenu
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Cheval d'août

Sam est pas là quand j’arrive chez la cousine. Ni à la porte ni en dedans. La fille est dans le salon. À genoux devant la télé éteinte, elle gosse après la boîte de Vidéotron. Ses jeans sont déchirés sur la fesse droite, juste au-dessus de la poche.

— Hey. T’as pas vu mon chien ?

— Ben non. Elle est où ?

— C’est ça justement, je sais pas. Je l’ai perdue.

— Tu sais réparer le câble ?

— Non.

Elle soupire et elle me regarde en fronçant les sourcils.

— T’as cherché partout ?

— Le câble ?

— Non, ton chien.

— Ah. Euh… je sais pas.

Ma voix fausse. Je lève les yeux en l’air pour essayer d’assécher les larmes qui arrivent.

« Tu veux qu’on aille faire un tour du quartier en auto, pour voir si elle est pas quelque part ? Anyway, la TV marche pus. »

Elle prend ses clés de char et elle ajoute : « Dépêche, il va bientôt faire nuit. »

Je voudrais lui demander de me laisser tout seul avec ma douleur, mais c’est vrai qu’en char, tu couvres plus de terrain. J’espère juste que la fille parle pas trop et qu’elle fume pas en soufflant sa fumée dehors, par la vitre à moitié ouverte.

Elle conduit une manuelle et elle chante. Fort, et pas très juste. You shoot me down but I won’t fall… I am titanium. La voiture fait des bonds sous les basses. Elle s’allume une cigarette. Sa musique est beaucoup trop loud, et quand je lui demande de la baisser, elle le fait en levant les yeux au ciel comme si j’étais un vieux con, pis elle se met à parler. Beaucoup. À poser des questions, en fait. Je réponds par monosyllabes. « Hum », « ouin », « nan », en haussant les épaules. J’aimais mieux la musique, finalement. Je regarde par la vitre, pis des fois j’appelle Sam, d’un coup qu’elle sorte d’une ruelle avec sa face de « Ah ! Thank God t’es là ! J’ai poursuivi un écureuil, pis next thing I know, je savais pus t’étais où. » La nuit est en train de tomber, et ça me gosse vraiment beaucoup, mais la lumière est fucking belle. Je voudrais qu’il fasse gris, que les nuages soient tellement bas qu’on doive se baisser pour pas les manger dans face. Là, l’orange et la chaleur du ciel me rappellent que le monde se crisse ben de moi pis de nous. Que le monde continue sa vie comme si de rien n’était, alors que j’ai perdu la seule affaire qui me restait.

Je regarde la fille pour la première fois depuis que je suis monté dans son auto. Je suis sur le bord de lui gueuler de se fermer la trappe, de m’arrêter sur le bord du chemin, de me laisser continuer à chercher mon chien tout seul. Je comprends pas pourquoi tu fais tout ça, je suis pas une fucking œuvre de charité ou une activité pour remplacer la date qui t’a chokée au dernier moment ou whatever.

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