À nos ivresses by Alicia Dorey

À nos ivresses by Alicia Dorey

Auteur:Alicia Dorey [Dorey, Alicia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Récit(s), Alcool(isme), Littérature française
Éditeur: Flammarion
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Chapitre 5

L’ivresse et l’amour

« Chaque fois que le vin vient doucement buter sur mes lèvres supérieures, je sens la vie dans sa juste pression, comme s’il y avait là amassé suffisamment d’amour, de passion, de désir. Et de manque. »

François Simon, Dans ma bouche

La rencontre

Tout comme le sentiment amoureux, l’ivresse est un courant chaud. Dans ce qu’elle a de plus désirable, mais aussi de plus dangereux. Les débuts de relations amoureuses s’accompagnent souvent d’ivresses plus ou moins profondes, pour certaines absolument décisives. D’un soir à l’autre, l’ivresse occupe une infinité de fonctions : dompter la peur, apprivoiser la présence de l’autre, fluidifier son langage, etc. Le cérémonial consiste à se mettre dans un état que l’on connaît bien chez soi, et d’observer la façon dont il se manifeste chez l’autre, comme un préliminaire indispensable à ce qui deviendra au fil des jours une complicité commune. Je vois toutefois une forme de paradoxe dans le fait de vouloir apparaître sous son meilleur jour et de se mettre dans un état de lâcher-prise, et donc de transparence absolue. Il y a dans l’ivresse amoureuse cette notion d’offrande, déjà évoquée dans ces lignes, qui implique de donner à l’autre une partie de soi qui n’est souvent pas la plus glorieuse sur le plan physique, mais qui est une marque de confiance que je trouve en définitive éminemment touchante.

L’ivresse du vin possède une sensualité que je ne retrouve pas dans les autres alcools, même si j’ai toujours trouvé plus suggestif de porter à ses lèvres une bouteille de bière. En éveillant chaque sens de façon plus ou moins subtile, le vin sculpte peu à peu la connaissance de l’autre : sa façon de parcourir la carte, de s’interroger, de s’émouvoir de la présence d’une bouteille rare, de s’offusquer d’un prix – mieux vaut vérifier si la réaction est bien justifiée, afin d’éliminer à peu de frais une future pince susceptible de vous faire le coup du « Comment ça, vous ne prenez pas les chèques-vacances ? » au moment de l’addition. Avoir une conversation sur le vin a changé le cours de nombreux rendez-vous, une certaine érudition ou sensibilité venant me faire oublier un nez jugé trop proéminent ou un malheureux cheveu sur la langue, tandis qu’une ignorance ou, pire, une prétention de « s’y connaître » en vantant la beauté des pouillys-fumés bourguignons (raté, c’est dans la vallée de la Loire, la Bourgogne a déjà assez à faire avec ses pouillys-fuissés) aura hélas disqualifié quelques prometteurs apollons. La première bouteille de vin partagée peut ainsi être tout aussi fondatrice qu’un premier baiser. Elle délie les langues, révèle parfois chez l’autre une intelligence insoupçonnée. Elle dévoile parfois même un extraordinaire alignement des astres, réalisant que l’on partage ce même amour du chardonnay – ou plus rarement du pineau d’Aunis, ce qui dans mon cas peut précipiter une demande en mariage.



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