03 Bastille et dynamite by Royer Louise

Auteur:Royer, Louise [Royer, Louise]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 14+, Fantastique, Historique, Jeunesse
Éditeur: Achat
Publié: 2016-04-21T00:00:00+00:00

* * *

Il tente de faire coïncider son entrée dans le Salon de la paix avec un afflux d’invités, pour passer le plus possible inaperçu. Peine perdue. Son titre et son nom, annoncés à pleine voix par le portier, déclenchent un diminuendo dans les conversations et des regards furtifs dans sa direction. Il fait comme s’il n’avait rien remarqué et se dirige tout de suite vers le roi, pour lui faire la révérence de rigueur. Il espère que Sa Majesté n’interrompra sa conversation avec le marquis de Morangles, le chancelier de France, que le temps de lui signifier, d’un mouvement quasi-imperceptible de la tête, qu’il lui est permis de rejoindre la foule des courtisans. Malheureusement, Louis XV s’exclame en le voyant :

— Si ce n’est pas ici notre cher ressuscité ! Vous avez créé bien de l’émoi en disparaissant et en réapparaissant de la sorte, Monsieur le comte.

— Votre Majesté me flatte en me laissant croire que mon absence a été remarquée.

— Voilà bien une façon détournée de chercher des compliments. Votre jeunesse et votre prestance constituaient un ornement essentiel de notre cour. Elles ont par trop longtemps manqué à ces illustres lieux. Nous avions d’ailleurs noté votre absence bien avant votre si brusque voyage. Il semblerait que les attraits de la vie conjugale vous aient gardé loin de nous. Sur ce point, j’ai été avisé que des félicitations étaient de mise. Comment se portent votre épouse et votre héritier ?

— Sire, ils étaient en parfaite santé lorsque je les ai quittés. Je remercie Votre Majesté de sa sollicitude.

— Monsieur de Maupeou, marquis de Morangles, me racontait justement une anecdote à propos de votre épouse. Il semblerait qu’elle soit une pianiste aux talents inédits.

— Vous me voyez perplexe, Sire. Comment Monsieur de Maupeou en est-il venu à pareille conclusion ?

Le chancelier, qui attendait patiemment cette introduction de sa personne pour prendre la parole, salue le comte avec effusion :

— Mon cher Besanceau, je n’ai jamais eu la bonne fortune d’entendre Madame la comtesse jouer du piano, mais à une soirée donnée par Madame de Malthaud, je me souviens que notre hôtesse se vantait que, la veille, elle avait convaincu votre épouse de donner un concert impromptu dans votre salon, pour étrenner l’instrument dont vous veniez de lui faire cadeau. Elle disait savoir que votre épouse interprétait des morceaux insolites, inconnus de notre entourage. Nous soupçonnons tous que Madame de Malthaud détenait ses informations d’une camériste loquace, qui cultive les amitiés de plusieurs de nos domestiques.

Le marquis sourit avec fatuité avant de continuer :

— Madame de Malthaud ne s’est pas répandue en louanges sur votre épouse, je dois le dire. Elle a avoué avoir entendu plusieurs fausses notes et une certaine irrégularité dans le rythme. Cependant, elle a été particulièrement ravie par une pièce que Madame la comtesse aurait composée pour Élyse de Charenton, son amie. Je vois à votre expression que vous savez de quoi je parle.

— Pour Élyse, en effet. Je crois qu’il s’agit d’un de mes morceaux favoris.

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