Vila Emilia - T2 - Initiation by Elodie Faiderbe

Auteur:Elodie Faiderbe [Faiderbe, Elodie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Auto-édition
Publié: 2022-02-26T23:00:00+00:00

Chapitre 31

Deuxième lettre

Dorian

Manoir Soulridge

25 Mai 1886

Ma très chère lillesøster,

Les ombres de ma plume s’étalent sur ces lignes, pourtant la vôtre ne m’honore guère plus de sa présence.

Quel étrange monde peut offrir une vie à un objet et retirer celle d’une petite fille ?

Vous étiez ma lumière dans mes ténèbres, la raison dans ma folie, l’espoir dans ma déchéance. Nous sommes nés de la même chair, mais notre sang est aussi différent que la rosée de printemps et le givre d’hiver.

Vous étiez née ange, je mourrai démon.

Pourtant, vous avez passé votre courte existence en permanence près de moi, plaçant votre confiance dans la paume de ma main. Parfois, il me suffit de fermer les yeux pour sentir vos doigts d’enfant entremêlés dans ma tourmente d’adulte. Êtes-vous là, à mes côtés ? Déplorez-vous le gâchis de mon existence ? Je me torture souvent à imaginer vos traits de femme.

Est-ce que vous lui ressembleriez ? Elle a vos cheveux, votre regard et votre caractère.

Vous êtes elle. Vous êtes autre.

Comme si, ce soir-là, un papillon s’était éteint pour faire éclore une magnifique chrysalide.

Je lui ai donné votre collier et votre surnom, ne m’en veuillez pas. Je pensais qu’en faisant cela, je parviendrais à vous faire renaître. Mais il n’en est rien. Je vous perds un peu plus chaque jour. Votre sourire, votre rire s’étiole chaque soir où je convoque le monstre de notre enfance.

Son ombre infâme a aussi le droit d’exister.

Elle me tourmente, me nargue, me hurle de vous venir en aide. Comme cette Alice que vous admiriez tant, je tombe chaque soir dans ce cauchemar éveillé qu’est devenue ma vie, attendant patiemment le jour où ma reine des cœurs m’arrachera enfin le mien. Oui, je peux sentir vos doigts d’enfant entremêlés dans ma décrépitude d’adulte.

Votre peur écrasée dans la paume de ma main lorsqu’il vous souillait sous mes yeux impuissants.

Encore, et encore, et encore.

Votre compassion la caressant lorsqu’il salissait le mien sous vos yeux innocents.

Encore, et encore, et encore.

Il nous aimait.

Il nous tuait.

J’aurais dû agir. J’aurais dû l’empêcher de vous faire du mal. J’ai essayé. Que le Diable m’en soit témoin, j’ai essayé. Mais il était plus fort et j’étais chaque jour un peu plus faible.

Votre silhouette criait famine.

Nos corps devenaient cadavre.

Et lui continuait de s’en repaître.

Encore, et encore, et encore.

Alors, j’ai prié le ciel de nous aider, l’enfer de l’assassiner et le purgatoire de vous accueillir.

Le silence de votre mort valait mieux que de vous entendre hurler ma faiblesse. Ce soir-là, lorsqu’il m’a demandé de me mettre à genoux et de le satisfaire, j’ai refusé. Par égoïsme et par cette lâcheté dont je ne cesse d’accabler notre père. Je voulais qu’il mette fin à nos vies, et plus que tout, je désirais partir à vos côtés.

Le silence.

Pas que le vôtre. Le mien.

Tout aurait cessé en deux craquements d’os.

Ses coups de fouet.

La faim.

Ses coups de scalpel.

La fatigue.

Ses coups de reins.

La souffrance.

Cette douleur qui me déchirait les entrailles à chaque fois qu’il entrait en moi. Les larmes que je laissais échapper et qu’il recueillait de ses doigts aimants.

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