Un mariage anglais by Claire Fuller

Un mariage anglais by Claire Fuller

Auteur:Claire Fuller
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2018-11-28T16:00:00+00:00


4 août 1977 : c’était la première fois depuis la naissance de Nan que j’allais plus loin que le magasin du village de Spanish Green. J’avais réussi à rassembler l’argent pour le bus et le train en mettant de côté quelques centimes par-ci par-là sur les sommes que tu me donnais pour prendre soin de la maison, je les cachais dans une boîte de crème anglaise en poudre vide. J’avais installé Nan dans le landau Silver Cross et j’étais plus fière encore de la voiture pour enfant que de l’enfant elle-même. Je l’avais acheté, et fait livrer, avec le peu d’argent hérité de ma tante. On aurait cru un navire noir rutilant monté sur de hautes roues blanches. La capote émettait un bruit satisfaisant quand je la plaçais, un claquement ferme saluait le verrouillage du bras mécanique sur le capot et les amortisseurs rebondissaient légèrement quand j’avançais. Je mis du rouge à lèvres et du mascara pour la première fois depuis cinq mois, je redressai le dos et levai la tête. J’enfilai mes sandales compensées, un pantalon pattes d’eph qui frôlait le sol avec une taille élastique confortable, et une blouse années quarante dotée d’un nœud lâche au cou que j’avais trouvée dans une friperie au village. J’étais fin prête pour Londres. Je poussai le landau le long de la route jusqu’à l’arrêt de bus, laissai Mme Allen faire des risettes au bébé, me complimenter sur ma tenue chic et me demander où est-ce que j’allais comme ça.

« Je vais voir ma meilleure amie, Louise », répondis-je.

Le chauffeur de bus m’aida à monter le landau dans le bus, les autres passagers nous regardèrent en souriant sans se plaindre que nous obstruions le couloir. À la gare, j’attendis le train de 9 h 37 sur le quai, et je réalisai tout à coup que le landau ne passerait pas les portes du train. J’imaginai un instant abandonner le landau, Nan à l’intérieur, sur le quai et monter dans le train sans elle, mais au lieu de cela, Nan et moi, ainsi que le landau, passâmes les deux heures suivantes à valdinguer dans le wagon à vélos, étuis à guitares et autres bagages volumineux. Quand le train s’ébranla, Nan commença à pleurer. Je remuai le landau, d’avant en arrière, la berçai, la pris dans mes bras. Les pleurs redoublèrent, ses yeux plissés par les cris, le visage cramoisi, la bouche grande ouverte. D’habitude, c’était un bébé facile, heureux. Je fis les cent pas et vis Winchester et Basingstoke défiler par la fenêtre du wagon branlant et crasseux, la changeant d’épaule, lui tapotant le dos, lui caressant les cheveux. Jamais les cris ne cessèrent. À Woking, je la changeai, à Clapham Junction, devant tout un groupe de scouts à vélo, je défis ma blouse et sortis un de mes énormes seins pour la nourrir. J’avais l’impression de le voir pour la première fois – une énorme mamelle blanche, plus grosse que la tête de Nan. Elle s’en fichait, continuait de crier, tout son petit corps arqué, la tête lancée en arrière.



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