Un jeu à somme nulle by Eduardo Rabasa

Un jeu à somme nulle by Eduardo Rabasa

Auteur:Eduardo Rabasa [Rabasa, Eduardo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature mexicaine, Roman social, Amérique centrale
Éditeur: Piranha
Publié: 2015-11-28T23:00:00+00:00


3

« C’est-à-dire que tu vois, moi je viens d’une ferme où on était six enfants, et où on nous considérait pareil que les animaux grâce auxquels on survivait, et qu’on faisait que rosser. Mon papa disait toujours qu’avec nous, il n’en avait pas pour son argent, tu te rends compte ? Qu’on était soi-disant trop délicats pour manger la nourriture des cochons ; qu’il fallait dépenser au moins dix ans avant qu’on puisse lui servir à quelque chose ; et aussi, que le médecin du village faisait payer plus cher que le vétérinaire, alors qu’on n’était pas aussi bien retapés. Et pour enfoncer le clou, il se plaignait que la loi l’oblige à nous envoyer à l’école, à deux heures de marche, juste pour le perdage de temps d’apprendre des lettres qui aidaient même pas à savoir compter en chiffres.

Ce qu’il y a aussi, c’est que mon papa il croyait pas en Dieu, il en avait juste peur. C’est-à-dire, lui, dans sa logique, il pensait qu’il suffisait de faire ce que la religion disait pour obtenir Son approbation. C’est pour ça que mon papa est toujours allé à la messe, il a toujours communié, il a fait baptiser ses enfants, il se confessait, il faisait l’aumône des petites pièces, il disait pas de gros mots, ni rien. Mais en échange, il avait le droit de faire n’importe quelle méchanceté qui soit pas interdite. Son bouc émissaire, ça a toujours été maman. Il lui reprochait de lui avoir donné quatre pisseuses pour seulement deux gars. Avec quoi il allait bien pouvoir payer les dépenses pour que quatre parasites viennent le débarrasser de nous, chacun leur tour ?

C’est-à-dire, pendant des années ça l’a dégoûté de la voir avec un gosse au sein toute la journée. Et y avait pas que ça, en plus ce connard il la violait toutes les nuits, et ma pauvre maman n’opposait pas plus de résistance que de soupirer en attendant que ça se termine. Et on était tous là, à entendre ses mugissements et le grincement du lit. Ce qui arrangeait tout le monde, c’est que mon papa, il durait pas bien longtemps. C’est seulement grâce à l’hémorragie vaginale qu’il a arrêté de l’engrosser, t’imagines ? Mais ça oui, ma mère sans matrice, pour lui c’était pratiquement plus une personne. Même si elle lavait, balayait, repassait, qu’elle faisait à manger et qu’elle le laissait encore se décharger sans le moindre plaisir, il la voyait plus comme une femme. Tu sais qu’il la torturait en lui disant que Dieu ne se trompe jamais ? Que s’Il l’avait stérilisée avec ce déluge rouge, c’était pas pour rien. Mais elle disait jamais rien, cette idiote. Je l’ai jamais entendu se plaindre, encore moins le contredire. Et quand je vais les voir, rien n’a changé. Elle est juste un peu plus décharnée, et avec encore moins bonne mine. Sa face de chiffon est chaque fois plus râpeuse.

Vous, les gens de la ville, vous vous vantez toujours d’être très précoces pour le



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.