Un flic bien trop honnête by Franz Bartelt

Un flic bien trop honnête by Franz Bartelt

Auteur:Franz Bartelt
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier/Thriller, Littérature Française, A_Poster
Éditeur: Seuil
Publié: 2021-05-04T22:00:00+00:00


23

Sans doute n’était-ce pas le meilleur moment de sa vie, mais à coup sûr c’était un instant d’intense satisfaction. Il avait traversé la salle du restaurant avec l’allégresse du lauréat qui se dirige vers l’estrade où les pontes lui remettront son diplôme. Quand Gamelle fut à moins d’un mètre de la table où Fernand Ladouce avait ses habitudes, ce dernier leva la tête et, pointant ses carreaux noirs dans la direction de l’inspecteur, il s’exclama :

« Bonjour, très cher ami. Je vous ai reconnu. Votre odeur vous précède. Quel bon vent ? »

Gamelle déposa la boîte qui contenait la paire de Gnagna.

« Chose promise, chose due, dit-il dans un souffle qui trahissait une certaine émotion. Qui paie ses dettes s’enrichit. Qui répare ses torts se grandit.

– Mais il n’y avait pas urgence, inspecteur. J’espère que vous n’avez pas mis en péril vos équilibres financiers. Parce que ce serait une folie.

– L’opticien m’a accordé des facilités de paiement. Des mensualités indolores. Et sans intérêts. J’ai négocié. »

D’un geste tournant de la main, l’aveugle l’invita à prendre place à la table.

« Je suis très heureux, inspecteur. Merci. Du fond du cœur, merci. Je ne les sors pas de la boîte maintenant.

– C’est le même modèle que celui qui a été malencontreusement abîmé lors de ce voyage en autobus, murmura Gamelle, émerveillé par les prouesses de son nouveau pouvoir d’achat.

– En manière de reconnaissance, permettez-moi de vous inviter à déjeuner, inspecteur. Ne refusez surtout pas, vous m’offenseriez. Je tiens à vous remercier pour ce geste magnifique. Mais je vous remercie aussi pour le plaisir que vous m’avez offert l’autre jour, en me permettant d’assister à un petit bout d’enquête. J’ai beaucoup aimé l’ambiance, je me sentais dans mon élément et, ce qui ne gâte rien, je me suis merveilleusement entendu avec votre adjoint. Ah, si je n’avais pas été aveugle, quelle belle carrière de fin limier aurais-je pu faire ! »

Comme le maître d’hôtel hollandais maraudait dans les parages, Gamelle, qui avait l’impression d’avoir déjà ses routines dans l’endroit, commanda un bol de café au lait et des tartines beurre et fromage.

« Vous ne changez pas, vous, s’esclaffa Fernand Ladouce.

– Je sais que cela peut paraître un rien pastoral, mais j’adore tremper des tartines de beurre et de fromage dans du café au lait bien sucré. Peut-être est-ce de famille : ma grand-mère s’est nourrie de ça toute sa vie. Une fois par mois, elle s’autorisait un petit steak haché qu’elle faisait cuire dans un centimètre de beurre demi-sel. Elle a tout de même tenu jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

– Les vieux de dans le temps avaient une santé spéciale.

– C’est ce qu’on dit : ceux qui ne mouraient pas jeunes vivaient longtemps. »

Fernand Ladouce opta pour une côtelette d’agneau accompagnée d’une mesquinerie de légumes poêlés dans un beurre chiche aromatisé d’un filet de vinaigre frivole.

« Je pense que c’est une spécialité hollandaise », dit-il quand le maître d’hôtel se fût éloigné, de sa démarche suave de barge dérivant sur un canal.

Puis, il



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