#ToutlemondedétesteLouise by Annelise Heurtier

Auteur:Annelise Heurtier
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Casterman Jeunesse
Publié: 2023-06-27T08:23:13+00:00

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J’ai passé le samedi matin à me projeter dans ma reprise de l’après-midi. J’avais un besoin terrible de me vider la tête auprès de London Dreamer, de coller ma joue contre son encolure et de sentir sa chaleur, de respirer son odeur, de le savoir avec moi. Mais pour la première fois de ma vie, la présence de Romy venait tout foutre en l’air.

Chaque heure qui passait me propulsait dans un scénario différent. Au petit déjeuner, en regardant le lait chauffer dans la casserole je me disais qu’on allait peut-être pouvoir se parler, qu’en pansant nos chevaux elle serait peut-être davantage disposée à m’écouter. C’est magique, un cheval.

Une heure plus tard, en allant retirer un colis Vinted pour ma mère, j’étais persuadée qu’elle m’insulterait ou pire, qu’elle agirait comme si je n’avais jamais existé et que j’aurais mal à en mourir.

Sur le chemin du retour j’ai croisé mon reflet dans la vitrine de l’épicerie fine. De jolies tablettes de chocolat suisse côtoyaient des confitures à la myrtille et des pains d’épice de chez Vuez, avec leur glaçage aussi doux que la neige au petit matin. Devant cette devanture soignée je me suis trouvée trop grande, trop pâle, trop nulle. J’ai regretté de l’avoir traitée de menteuse, de m’être donnée en spectacle dans la cour, après une scène de ce genre-là elle aurait forcément honte d’avoir une amie comme moi. Même moi j’avais honte d’être moi. Pourquoi est-ce que je n’avais pas eu la force d’ignorer Arthur ? Faire comme si je n’avais rien entendu ? Je leur avais montré qu’ils me faisaient du mal. J’avais perdu mes moyens, j’avais agi comme une folle. Et je leur avais donné un motif de plus de m’insulter.

C’était peut-être justement la preuve que je le méritais.

En rentrant à la maison, j’avais pris ma décision. Affronter la présence de Romy était au-delà de mes forces, je changerais d’horaire et j’irais à la reprise du dimanche matin.

Et puis j’ai remis le colis à ma mère et tandis qu’elle me gratifiait d’un « merci ma chérie », je me suis demandé comment j’allais justifier cette fantaisie alors que mes parents n’aiment rien tant que la routine et les week-ends millimétrés. Il avait déjà fallu que j’explique l’avertissement dans mon carnet de liaison, leur quota de contrariété et d’inquiétude avait largement été dépassé.

Au déjeuner, j’ai eu du mal à manger. Chaque bouchée me faisait l’effet d’une plâtrée de ciment frais, une matière angoissante, qui colle aux dents, comme celle dans laquelle on mord pour fabriquer les empreintes de l’appareil dentaire. Mais je me suis forcée et j’ai essayé de participer à la conversation comme si de rien n’était. Il faudrait qu’on aille voir Grand-mère, ça faisait longtemps quand même, « et puis lui choisir un livre, une histoire qui fait du bien, un livre “filgoude” c’est bien comme ça qu’on dit, Louise tu n’aurais pas une idée ? Louise ? »

En arrivant au haras, j’avais la nausée et les jambes en coton.

J’ai poussé la porte du bureau avec

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