Histoires insolites by Collectif

Histoires insolites by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelles, Fantastiques
Éditeur: Casterman
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


UN HEUREUX MARI

David H. Keller

A. Piece of Linoleum.

Traduit de l’américain par Max Roth.

Le suicide ne faisait aucun doute. À telle enseigne que le coroner ne voulait même pas envisager une autre hypothèse. Et la pauvre Mrs. Harker n'avait pour se consoler que la compassion sincère des voisins.

Les deux amies qui, le lendemain de l'enterrement, avaient tenu à lui apporter le réconfort de leur présence la trouvaient dans un état lamentable.

— Vraiment, je ne comprends pas, sanglotait-elle. Comment John a-t-il pu faire une chose pareille, alors que nous étions si heureux !

« Bien sûr, sa mort serait moins extraordinaire si je n'avais pas été pour lui une épouse tendre et dévouée. Mieux qu'une épouse – un ange gardien. Tenez, notre maison, par exemple, croyez-vous qu'elle serait entièrement à nous, l'hypothèque remboursée jusqu'au dernier cent, si j'avais laissé faire ce brave John ? En un siècle, il n'y serait pas arrivé ! Dès les premières semaines de notre vie commune, quand je m'étais aperçue qu'il aimait à m'apporter des fleurs, j'avais compris où était mon devoir : j'allais être obligée de me charger, toute seule, de la gestion de notre budget. Naturellement, je lui donnais, chaque semaine, un peu d'argent de poche, et je lui achetais, tous les soirs, le journal, il aurait préféré l'acheter lui-même pour le lire dans le train, mais il l'aurait trop chiffonné : vous comprenez, je garde les vieux journaux, bien pliés pour les vendre à la récupération.

» Évidemment, si nous avions eu des enfants, je n'aurais pu m'occuper autant de lui et de la maison. Mais, avant notre mariage, le docteur m'avait dit qu'avec ma constitution délicate, je ferais mieux de renoncer au terrible effort que peut représenter la maternité. Un homme délicieux, ce docteur : « Comme vous n'aurez pas de bébé, vous dorloterez votre mari », m'avait-il conseillé. John avait protesté, d'abord, mais, peu à peu, il s'était résigné : toutefois, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi je tenais à ce que sa chambre fût tapissée en rose.

» Comme je restais seule toute la journée, je m'étais mise à faire de la couture ; bientôt, je savais confectionner des robes, et même des chemises pour John. Au début, il me demandait de les acheter, mais je lui expliquais que j'adorais travailler pour lui, puisqu'il était en somme mon bébé ; alors, il finissait par ne plus en parler.

» Bien entendu, je m'inquiétais toujours de sa santé. J'avais acheté des livres traitant de tous les régimes à suivre et, croyez-moi, en vingt ans de mariage, mon John n'a jamais mangé une bouchée qui ne convint pas exactement à un homme de son âge, de son poids, et de son tempérament.

» De même, je veillais toujours à ce qu'il fût bien couvert. Le matin, lorsque le temps était pluvieux, je lui rappelais de prendre son imperméable et ses galoches et, sauf en plein été, je vérifiais s'il portait bien son tricot de laine. Et lorsque la matinée avait été belle mais que, dans la soirée, le ciel s'était couvert, j'allais l'attendre à la gare, avec son imperméable et ses galoches.



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