Tome 1 by Auteur inconnu

Auteur:Auteur inconnu
La langue: fra
Format: epub

— Arrête, grand fou. J'étouffe! Pis tu vas toute froisser le tissu pour ma robe de mariée! Laisse-moi le temps de rentrer dans maison pis de me dégreyer un peu.

C'est à ce moment qu'elle prend conscience d'une différence presque palpable dans cet instant d'émotion intense. Assise sur une chaise longue que Cécile ne connaît pas, un peu à l'image de celles figurant sur les brochures des sanatoriums, tout près du poêle à bois chauffé à blanc, il y a sa mère. Avant, elle aurait été la première à la serrer tout contre son cœur. Dans le souvenir de

Cécile, il y avait l'image d'une femme rondelette au visage rosé, dégageant la santé. Mais voilà qu'elle retrouve une femme amaigrie, aux yeux cernés. Pourtant, elle a gardé son sourire. Ce sourire tout en douceur qui, aujourd'hui, proclame un réel bonheur. Cécile, sa petite Cécile est de retour. Elle tend les mains vers elle.

— Cécile, enfin te v'là! Lâchez-la, vous autres, qu'elle vienne me voir. Viens, Cécile. Viens ici tout proche de moi...

S'arrachant à l'étreinte de son frère et lançant son manteau sur une chaise, Cécile avance vers sa mère et s'agenouille à côté d'elle. Puis, elle pose sa tête sur ses genoux sans la quitter des yeux. Entre elles, c'est plus qu'un dialogue muet. Emue, d'une main tremblante, Jeanne caresse la longue chevelure blonde de sa fille.

Dieu que ce geste lui a manqué! Que de temps à rattraper avec elle! Que de choses à lui dire, que de pardons à demander... Mais l'instant ne se prête pas à la confidence, il est à la joie des retrouvailles. À la manifestation bruyante d'une famille heureuse d'être à nouveau réunie.

— Bienvenue chez vous, ma grande. Si tu savais combien tu m'as manquée... Je suis ben heureuse que tu soyes enfin revenue. Pis? As-tu réussi à te reposer avec «ma tante» Gisèle?

Une manière de lui faire comprendre que le sujet n'est pas clos entre elles. Jeanne sait fort bien que Cécile n'avait pas à se reposer. C'est un peu, à sa façon, un clin d'œil complice qu'elle lui lance. Et Cécile, surprise et heureuse à la fois, le comprend tout à fait en ce sens. Elle répond à sa mère, avec un large sourire:

— Oh oui! maman. Si vous saviez comme elle est fine... Une vraie soie!

— Hein? «Ma tante» Gisèle une soie? On connaît pas la même «ma tante» Gisèle, on dirait.

C'est Gérard, avec sa franchise désarmante, qui vient rompre le lien d'intimité entre Cécile et Jeanne, provoquant en même temps un éclat de rire général. Même Jeanne, plus souvent qu'autrement morose depuis que le médecin l'a clouée à ce fauteuil, même elle, éclate d'un bon rire sous le regard attendri d'Eugène.

Eugène, qui doit admettre qu'il est bon de voir sa famille enfin au grand complet et aussi heureuse. Jeanne s'empresse de répondre à son fils:

— Tu sauras, mon gars, qu'il faut jamais se fier aux apparences. Je le savais, moi, que Cécile serait ben avec la sœur de ton père. J'étais certaine de ça.

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