Toutes peines confondues by Andrew COBURN

Auteur:Andrew COBURN
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Rivages
Publié: 1992-03-31T16:00:00+00:00

14

Des promeneurs passèrent dans l’allée. Un couple âgé s’avança à petits pas jusqu’à un banc ; une femme qui accompagnait deux enfants laissa gambader l’aîné. Un homme en survêtement de couleur vive trottait en petite foulée. Russell Thurston jeta un regard distrait à toutes ces personnes avant de le reposer sur Jane Gardella qui était assise bien droite, une cigarette à la main et les genoux serrés.

— Ne me donnez pas d’ultimatum ! dit-il froidement.

Elle baissa la tête. La perruque qu’elle portait était rousse.

— Je ne vous suis d’aucune utilité, murmura-t-elle le souffle court.

— C’est à moi d’en juger.

— Ça n’a pas marché et ça ne marchera jamais ! Sa voix s’altéra comme si elle était en proie à des sentiments contraires. Tony ne me dit jamais rien.

— Vous vous débrouillez bien, assura Thurston avec un calme qui semblait précéder la tempête et en la déshabillant du regard. Vous avez des yeux, des oreilles et un cerveau. Continuez à les utiliser.

— Plus rien ne m’appartient désormais, pas même ma vie !

— Ça c’est votre problème !

— C’est le vôtre !

— Je ne tiens plus à discuter !

Elle fumait en éparpillant sa cendre qu’elle balayait ensuite de sa jupe. D’un geste distrait elle jeta sa cigarette. Elle n’atterrit pas loin et Thurston tendit le pied et l’écrasa. Elle se taisait, attendant de pouvoir parler d’une voix normale. Des larmes perlaient au bord de ses paupières.

— Ne me faites pas le coup du désespoir, dit-il, ça ne marchera pas avec moi !

Elle détourna son regard, incapable de mettre de l’ordre dans ses idées qui toutes concouraient à lui saper le moral. L’enfant qui gambadait, un garçon, avait les yeux ronds comme des boutons. Il s’aventura tout près d’eux et les dévisagea ; son sourire engageant s’évanouit bientôt faute de réponse. « N’embête pas les gens », lui cria sa mère et il battit en retraite.

Le visage sombre, Jane Gardella déclara :

— Peut-être que je vais mettre fin à cette histoire à ma façon…

— C’est entièrement votre problème, répliqua Thurston l’air distant, mais ça serait du gâchis ! Je sais que vous n’êtes pas idiote, mais seriez-vous suicidaire ?

— Vous vous êtes arrangé pour que je ne sache plus qui je suis.

— Vous voulez que je vous le dise ?

— Non.

Sa voix se fit pressante :

— Vous n’en avez probablement plus rien à faire, mais on peut toujours mettre Charlie au trou. Il travaille sur une autre compagnie aérienne maintenant et il se conduit bien.

— Je ne me fais plus de souci pour Charlie, mais pour moi-même.

— Et pour Gardella.

— Oui, Tony compte pour moi.

— C’est ce qui rend la situation si amusante ! Vous représentez un tel enjeu pour moi, Chérie ! Et il y a en vous tant de contradictions ! Il se leva et lui apparut comme une forme indistincte au-dessus d’elle. Mais il y a une chose que vous devez garder bien présente à l’esprit : vous ne courrez jamais assez vite pour échapper à Gardella ou à moi. Le problème serait alors simplement de savoir qui vous rattraperait le premier.

Elle leva les yeux et vit le dessous de son menton, l’intérieur de son nez.

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