Tout est bien by Awad Mona

Tout est bien by Awad Mona

Auteur:Awad Mona
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2022-09-27T13:59:59+00:00


17

Le lendemain après-­midi, Ellie se présente à la porte de mon bureau, blême et visiblement effrayée.

— Vous vouliez me voir, Professeure Fitch ?

Je suis assise sur le dessus de mon bureau. Les jambes croisées, la jambe du haut qui se balance. Je lui adresse mon sourire le plus accueillant.

— Ellie, dis-­je de ma voix chantante, que j’utilise toujours dernièrement. Te voilà. Entre, entre. Ferme la porte derrière toi, s’il te plaît. Merveilleux. Assieds-­toi.

Je désigne la chaise vide du bout de ma nouvelle botte pointue.

Elle s’assoit docilement. Je la regarde sur la chaise, accrochée à son sac de toile, ses cheveux sans vie que j’ai envie de repousser pour lui dégager le visage. Je remarque que ses mains tremblent. N’a-­t-­elle pas gagné en assurance en jouant Hélène pendant toutes ces semaines ? Je lui demande doucement :

— Et comment trouves-­tu les répétitions dernièrement ?

Elle garde les yeux rivés à mes jambes croisées dans leurs talons aiguilles.

— Bien, Professeure, dit-­elle.

— Ellie, c’est Miranda. Appelle-­moi Miranda, s’il te plaît.

— Miranda.

— Tu devines pourquoi je voulais te voir aujourd’hui ?

Elle secoue la tête.

— Non, Prof… Je veux dire « Miranda ».

— Non ?

Vraiment, Ellie ?

— Eh bien, comme tu le sais, on en est à cette période de l’année.

Je désigne la fenêtre en souriant. Les bourgeons sur les branches. Les feuilles vert pâle. Le printemps. Le printemps, est-­ce qu’elle le voit ? La période de l’année où tout est en fleurs. Où toutes les choses font l’amour. Où tout est si humide et parfumé et baisable. L’heure du spectacle, en d’autres mots. Qui arrive à grands pas.

Elle hoche nerveusement la tête. Oui. Oui, elle le voit…

— Puisqu’on en est à ce stade de la production, si près du soir de la première, et que notre actrice principale est toujours…

Je sens un sourire se dessiner sur mon visage tandis que je prononce ces mots. Je me mords la lèvre et tente de paraître affligée.

— … absente…

Ellie acquiesce tristement. Oui.

— … j’ai dû prendre des décisions difficiles.

Je me lève ; je fais les cent pas pour illustrer la difficulté dont je parle. Mes nouvelles bottes claquent sur le plancher. Je ne les ai pas enlevées depuis que je les ai achetées. Un soir, j’ai roulé jusqu’au centre commercial. Je suis entrée dans la boutique en sautillant. J’ai dit au vendeur : Je voudrais des bottes de cuir. À talons, s’il vous plaît. Hauts. Aiguilles.

Ellie me regarde, soudainement très attentive.

— Des décisions ? Quelle sorte de décisions ?

Je pivote délicieusement. Je bondis à nouveau sur mon bureau. Comme c’est facile. Il est si facile de bondir et de pivoter dernièrement. Je recroise mes jambes de chair. Pas de béton, non : de chair, maintenant. Je regarde mon Hélène et souris.

— Des décisions en matière de casting, Ellie.

Je la regarde retenir son souffle. Elle sait. Elle attend que je le dise.

— Ellie, j’aimerais que tu joues Hélène. Dans la pièce cette année.

Elle ferme les yeux. Baisse la tête.

— Moi, murmure-­t-­elle.

— Tu es parfaite pour le rôle, Ellie. Tu t’appropries la douleur, l’amour, le deuil et la détermination ­d’Hélène.

Elle ne dit rien. Elle garde les yeux au plancher.



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