Le Rouge et le Noir by Un livre Un film

Le Rouge et le Noir by Un livre Un film

Auteur:Un livre Un film [film, Un livre Un]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le livre de poche
Publié: 2013-04-09T22:00:00+00:00


CHAPITRE V

LA SENSIBILITÉ ET UNE GRANDE DAME DÉVOTE

Une idée un peu vive y a l'air d'une grossièreté, tant on y est accoutumé aux mots sans relief. Malheur à qui invente en parlant !

FAUBLAS.

Après plusieurs mois d'épreuves, voici où en était Julien le jour où l'intendant de la maison lui remit le troisième quartier de ses appointements. M. de La Mole l'avait chargé de suivre l'administration de ses terres en Bretagne et en Normandie. Julien y faisait de fréquents voyages. Il était chargé, en chef, de la correspondance relative au fameux procès avec l'abbé de Frilair. M. Pirard l'avait instruit.

Sur les courtes notes que le marquis griffonnait en marge des papiers de tout genre qui lui étaient adressés, Julien composait des lettres qui presque toutes étaient signées.

À l'école de théologie, ses professeurs se plaignaient de son peu d'assiduité, mais ne l'en regardaient pas moins comme un de leurs élèves les plus distingués. Ces différents travaux, saisis avec toute l'ardeur de l'ambition souffrante, avaient bien vite enlevé à Julien les fraîches couleurs qu'il avait apportées de la province. Sa pâleur était un mérite aux yeux des jeunes séminaristes ses camarades ; il les trouvait beaucoup moins méchants, beaucoup moins à genoux devant un écu que ceux de Besançon ; eux le croyaient attaqué de la poitrine. Le marquis lui avait donné un cheval.

Craignant d'être rencontré dans ses courses à cheval, Julien leur avait dit que cet exercice lui était prescrit par les médecins. L'abbé Pirard l'avait mené dans plusieurs sociétés de jansénistesa. Julien fut étonné ; l'idée de la religion était invinciblement liée dans son esprit à celle d'hypocrisie et d'espoir de gagner de l'argent. Il admira ces hommes pieux et sévères qui ne songent pas au budget. Plusieurs jansénistes l'avaient pris en amitié et lui donnaient des conseils. Un monde nouveau s'ouvrait devant lui. Il connut chez les jansénistes un comte Altamira qui avait près de six pieds de haut, libéral condamné à mort dans son pays, et dévot. Cet étrange contraste, la dévotion et l'amour de la liberté, le frappa1.

Julien était en froid avec le jeune comte. Norbert avait trouvé qu'il répondait trop vivement aux plaisanteries de quelques-uns de ses amis. Julien, ayant manqué une ou deux fois aux convenances, s'était prescrit de ne jamais adresser la parole à Mlle Mathilde. On était toujours parfaitement poli à son égard à l'hôtel de La Mole ; mais il se sentait déchu. Son bon sens de province expliquait cet effet par le proverbe vulgaire, tout beau tout nouveaub.

Peut-être était-il un peu plus clairvoyant que les premiers jours, ou bien le premier enchantement produit par l'urbanité parisienne était passé.

Dès qu'il cessait de travailler, il était en proie à un ennui mortel ; c'est l'effet desséchant de la politesse admirable, mais si mesurée, si parfaitement graduée suivant les positions, qui distingue la haute société. Un cœur un peu sensible voit l'artifice.

Sans doute, on peut reprocher à la province un ton commun ou peu poli ; mais on se passionne un peu en vous répondant.



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