V1_2013 by Inconnu(e)

V1_2013 by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2013-02-07T18:15:09+00:00


*

Boucicaut venait de se frotter les mains à l’une des fontaines – certaines en porphyre, les autres en porcelaine –, lorsque Gui se présenta devant lui.

— Ah ! vous voilà, Clairbois, dit-il en se séchant avec la touaille que venait de lui tendre un serviteur en livrée de France.

— Me voilà, messire.

Le regard du maréchal tomba sur Héloïse et s’en éloigna aussitôt.

— Veux-tu t’ablutionner ?

— Non, messire. Nous n’assisterons pas au régal.

Boucicaut restitua un linge humide d’avoir trop servi.

Son humeur semblait s’être refroidie.

— Vous avez donc quitté ma femme, damoiselle !… Vous eussiez dû demeurer auprès d’elle.

La pucelle se contenta d’un sourire. Il était sa ressource et peut-être sa force. Gui en savait un autre réservé à lui seul. Celui qu’elle adressait au maréchal n’avait rien de humble, et cependant Boucicaut dut le prendre pour tel.

— Soit, dit-il, vous vous abstenez de dîner tous les deux. Or, dis-moi, Clairbois, crains-tu d’y prendre part pour te voir reprocher des absurdités ? Que redoutes-tu ?… ! Qu’entre deux mets tu sois mis à ton tour en accusation ?

Boucicaut souriait. Avait-il l’intention d’exhaler une ire que Gui ne redoutait point ?

— J’ai dit, messire, m’a-t-il semblé, l’essentiel de tout ce que j’aurais pu dire. Et je n’ai point envie de recommencer. En vérité, je me sens goin(439) parmi ces gens de Cour et ces chevaliers qui ne sont nullement de ma nature.

— Tu les crains.

C’était une affirmation. Puisque le maréchal maniait l’ironie, mieux valait, plutôt que de s’indigner, la manier aussi :

— Si je les crains ?… Plus que les Turcs, messire. Leurs pensées, quelquefois, sont comme du poison et leurs voix, m’a-t-on dit, sont comme des épées.

— Qui ?

— Olivier de Clisson.

Boucicaut parut trier, sous son chaperon de soie verte – toujours ce vert dont Jean de Nevers avait voulu qu’il fût gai ! – quelque puissante idée destinée à conclure. Son dépit parut grossir.

— Clisson est loin, Clairbois. J’ignore même s’il vit encore. C’est lui qui t’a recommandé à moi. Et tu vas me quitter.

— Oui, messire.

— Qu’y a-t-il entre nous ?

— Il y a, messire, les mille prisonniers de Brehappe et les oreilles coupées de vos propres hommes d’armes.

Le maréchal ne se défendit point. Il ne se reprochait rien. Il semblait assuré d’avoir fait son devoir. Sans doute, comme Nevers, Bourbon et les autres, avait-il oublié le vaincu qu’il demeurait.

Héloïse s’était éloignée de quelques pas. Elle était venue à Paris en litière. Elle reviendrait à Tours à cheval. À quoi eût-il servi d’annoncer au maréchal : « Nous vous quittons demain » sinon à augmenter son courroux.

— Je ne suis point, messire, un reproche vivant. Je conçois que ma présence vous soit désormais désagréable. Sitôt que vous aurez regagné votre château, je prendrai mes dispositions pour assumer seul ma chevalerie.

— Ta chevalerie !… Je pourrais refuser ta présence à Saint-Pol dès maintenant. Plutôt que de rehausser notre renommée, tu t’es, orains(440) acharné à la déprécier. Que diront, bientôt, à table, les hommes et les femmes qui auront ouï tes… méchancetés



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