Terres noires by Christian Laborie

Auteur:Christian Laborie [Laborie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Borée
Publié: 2012-09-27T17:00:00+00:00

XVII

Délivrance

PRISONNIERS DE LEUR GALERIE, les hommes de Lucien croyaient être les seuls bloqués au fond de la mine. Depuis le premier jour de l’accident, nul autre mineur, hormis Arnaud et Firmin Legal, ne les avait rejoints. De plus, de là où ils se trouvaient enfermés, ils avaient beau coller l’oreille contre la veine de houille, ils n’entendaient aucun bruit qui puisse les encourager.

« On est faits comme des rats ! se plaignait Legal qui, malgré la morgue qu’il affectait vis-à-vis d’Arnaud, se révélait de tous le plus défaitiste. On y restera tous.

– Tais-toi ! lui répétait Marcellin, excédé par son attitude. Tu ferais mieux de garder tes forces. »

Les trois jeunes garçons montraient une dignité exceptionnelle et faisaient preuve d’un calme apparent étonnant. Ils restaient regroupés, solidaires, parlaient peu pour ne pas gaspiller l’oxygène qui, à terme, risquait de manquer. Mais leurs forces s’amenuisaient au fil des jours.

Tous avaient décidé de partager leurs provisions de bouche et, d’un commun accord, avaient accepté de se restreindre au maximum dès le début de l’accident. En ne mangeant qu’une fois par jour – et quelques bouchées seulement –, ils avaient déjà tenu une semaine.

Néanmoins, depuis trois jours, ils avaient épuisé toute nourriture. Ils trompaient la faim en mâchonnant le cuir de leurs ceintures ou un morceau de tissu qu’ils imbibaient d’eau saumâtre. Certes, celle-ci ne manquait pas, ruisselant sur les parois, mais elle avait un goût de charbon et de glaise. Lucien décida de confectionner des petits dés d’argile et de les laisser fondre dans la bouche.

« Ça finira par nous caler l’estomac, dit-il, impuissant à remonter le moral de ses compagnons.

– Et si nous coupions carrément nos ceinturons en morceaux, proposa Armand. Le cuir, c’est de la viande séchée ! »

Tous se rangèrent à sa proposition. Legal, l’œil pétillant, ajouta :

« J’ai une meilleure idée : il faudrait retrouver Jupiter. S’il s’est détaché, il ne doit pas être très loin. »

Jean ne lui laissa pas le temps de poursuivre :

« Tu n’as quand même pas l’intention de le manger !

– Je me gênerais ! Qu’il vienne à me tomber entre les mains et je peux t’assurer que, dans l’heure, nous mangerons un bon morceau de viande saignante.

– Non ! Tu n’as pas le droit. Jupiter n’est pas un animal comme les autres. Il travaille comme nous ! »

Marcellin dut calmer son fils et demander à Legal de ne pas en rajouter.

« De toute façon, la question ne se pose pas : nous ne savons pas où se trouve Jupiter. »

En son for intérieur, Marcellin pensait qu’effectivement s’il ne restait que cette solution pour attendre les secours… Mais fallait-il encore que les secours arrivent !

Legal décida de quitter le groupe pour aller à la recherche de l’animal.

« Tu viens avec moi, Vandenberg ? À deux, ce sera plus facile de l’abattre si nous le trouvons. »

Arnaud hésita. Il croisa le regard de Jean qui semblait le supplier de ne pas y aller.

« Pour Justine ! » lui souffla le jeune herscheur.

Alors, Arnaud s’approcha de Firmin Legal et le défia du regard.

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