Aux confins de la Nouvelle-Athènes (French Edition) by Dominique Fernandez

Auteur:Dominique Fernandez [Fernandez, Dominique]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Bernard est libraire dans le neuvième arrondissement de Paris. Marié depuis quinze ans à Corinne, directrice d’une agence de voyages qui se rêvait autrefois pianiste, il trouve dans son couple l’harmonie d’une vie paisible. Jusqu’à ce mois de mars 2020 qui les oblige à se calfeutrer avec leurs deux enfants, Cédric et Laure, dans leur appartement situé au-dessus du magasin de Bernard. &#xD, Entre inquiétude et ennui, l’heure de la promenade devient vite le rendez-vous le plus important de la journée. Bernard en profite pour aller avec son fils jusqu’aux limites de son quartier, explorer la Nouvelle-Athènes à la recherche des innombrables célébrités littéraires et artistiques qui l’ont habitée. De Bizet à Zola, de Berlioz à Tourgueniev, de Van Gogh à Claude Nougaro, c’est un quartier méconnu qui s’offre aux protagonistes dans le silence des rues parisiennes. Tandis que lui se promène, Corinne, &#xD, dont les sorties se bornent à faire les courses et à observer les nouvelles règles du commerce, supporte de moins en moins bien la solitude et la privation de tout rapport social… &#xD, Avec délicatesse, Dominique Fernandez interroge la nature des sentiments de deux êtres surpris dans leurs habitudes et confrontés de manière inattendue aux confins de leur amour.
Éditeur: Philippe Rey
Publié: 2020-10-07T22:00:00+00:00

Frappé des paroles de Jérémie, l’auditoire écoute l’orateur l’exhorter à ne se fier qu’à Dieu, Dieu qui châtie ou épargne selon le degré de malice qu’Il mesure dans le cœur des humains, Dieu qui tantôt brandit contre leur impiété le fouet de l’anathème et tantôt verse sur leur repentir le baume des absolutions, tour à tour Dieu de colère et Dieu de tendresse.

Dieu de fiel, Dieu de miel.

« Mes chères sœurs, mes chers frères, les mesures de sauvegarde que le gouvernement vous conseille supposent que les causes de l’épidémie sont purement naturelles, et l’épidémie guérissable par l’adoption de mesures naturelles. Des remèdes simples, tels que les gestes barrières et les protections recommandées, seraient donc suffisants pour arrêter le fléau. Mais si les causes en sont surnaturelles, si Dieu a voulu punir l’humanité de l’impiété à laquelle elle s’est livrée, en lui envoyant une calamité pour éclairer son aveuglement, qui d’entre vous ne perçoit la vanité de se moucher dans son coude, l’inutilité de se frotter les mains avec du gel, tout hydroalcooliquement souverain qu’il prétend être, la frivolité de se mettre un morceau de tissu sur le bout du nez ? Ne pouvons-nous, dès ici-bas, marcher main dans la main, avancer côte à côte, nous diriger, fraternellement, vers le lieu d’élection où nous unirons nos cœurs sans la moindre hésitation, dans la plus complète harmonie et le plus grand amour ? »

Corinne, à qui j’ai fait lire ce sermon que j’avais inventé, s’est récriée que je diabolisais la religion, que nous n’étions plus au Moyen ge, qu’aucun prêtre n’oserait proférer de telles inepties, que je desservais l’athéisme en caricaturant ses adversaires, enfin qu’elle assumait une position contraire à la mienne.

CORINNE. – Je suis agnostique comme toi, mais moins radicalement. Tu as tort de défigurer le point de vue des croyants sincères. J’assume la défense de la foi. J’assume la louange de Dieu qui monte d’un cœur vérace. Parmi les infirmières et les infirmiers, parmi les aides-soignantes et les aides-soignants, dans le personnel des ambulances et des garde-malades, qui font ce travail admirable que nous savons, il y en a beaucoup qui, interrogés par les médias, ont affirmé qu’ils étaient soutenus par leur foi et n’auraient pas le courage de continuer sans cet appui. Tu vois bien que marcher « main dans la main », alors que la distance sociale à respecter est d’au moins un mètre, est une pure galéjade du voltairien que tu es, un canular dépourvu de tout fondement.

Corinne, cependant, m’a avoué qu’une requête de sa fille l’avait laissée perplexe. Laure, sans doute sous l’emprise de certaines des copines avec lesquelles elle bavarde à longueur de journée, ou chapitrée par sa grand-mère de Lisieux, lui a exprimé son regret de ne pas aller à l’église pour prier Dieu de nous envoyer la guérison. Ce n’est sans doute que le vœu d’une enfant, vœu assez touchant. Mais de Laure, fillette sensible et influençable, on peut redouter des excès fâcheux. Comment exclure que cette enfant, grisée de l’odeur enivrante de

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