Le Piéton De Paris by Leon-paul Fargue

Le Piéton De Paris by Leon-paul Fargue

Auteur:Leon-paul Fargue [Fargue, Leon-paul]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Social Life and Customs, Paris (France), litt. française, Description, Paris, General, Essai, Fiction
Publié: 2011-07-30T07:29:02+00:00


Saint-Germain-des-Prés

Qu’il y ait eu dans la journée un Conseil de Cabinet, un match de boxe dans l’État de New-Jersey, un Grand Prix de Conformisme, un coup de flanc littéraire, un concours de ténors sur la Rive Droite ou quelque prise de bec, les habitués des cafés de la place Saint-Germain-des-Prés sont parmi les premiers touchés des résultats de ces conciles ou de ces compétitions, soit par une estafette généralement bien renseignée, soit par une mystérieuse télégraphie. « Sensationnelles », vides ou graves, les nouvelles apportées des ministères ou des rings n’émeuvent pourtant pas les buveurs ou les passants de ce quartier, qui n’en continuent pas moins de surveiller, d’un œil sceptique et doux, la montée vers le ciel de ce vieux meuble couleur d’orage, pièce d’armure romane et martienne, qu’est le clocher d’une des plus vieilles églises de Paris.

La place Saint-Germain-des-Prés, qui ne figure pas dans le laïus adressé aux Yougoslaves et aux Écossais par le speaker du car de Paris la nuit, est pourtant un des endroits de la Capitale où l’on se sent le plus « à la page », le plus près de l’actualité vraie, des hommes qui connaissent les dessous du pays, du monde et de l’Art. Et ceci même le dimanche, grâce à ce kiosque à journaux qui fait l’angle de la place et du boulevard, une bonne maison bien fournie en feuilles de toutes couleurs.

Hantés, on ne sait trop pourquoi, par le souvenir des Écoliers qui se flanquaient des trempes, et souvent avec les Bourgeois, dans le Pré-aux-Clercs, aux Halles, rue Brisemiche ou rue Pute-y-Muce, les chapeliers ou marchands d’articles de bureau des environs ont à cœur de venir prendre un bain intellectuel, à l’heure de l’apéritif, le long des librairies qui se mettent en boule ou des terrasses qui gazouillent comme un four à frites. La place en effet vit, respire, palpite et dort par la vertu de trois cafés aussi célèbres aujourd’hui que des institutions d’État : les Deux Magots, le Café de Flore et la Brasserie Lipp, qui ont chacun leurs hauts fonctionnaires, leurs chefs de service et leurs gratte-papier, lesquels peuvent être des romanciers traduits en vingt-six langues, des peintres sans atelier, des critiques sans rubrique ou des ministres sans portefeuille. L’art et la politique s’y donnent la main, l’arriviste et l’arrivé s’y coudoient, le maître et le disciple s’y livrent à des assauts de politesse pour savoir qui payera. C’est à la terrasse des Deux Magots, celle d’où l’on peut méditer sur les cendres de Childebert ou de Descartes qui furent déposées dans l’Abbaye, qu’un comitard assez mal décapé me fit un jour une courte esquisse de la vie parlementaire : « Un député est un électeur qui gagne à la loterie, un ministre est un député qui améliore sa situation. » Formule élastique, et qui peut aussi bien s’appliquer à la vie de tous les jours.

Le Café des Deux Magots, devenu « des deux mégots » pour les initiés, depuis que l’on a cessé de demander au patron



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