Soudain, j'ai entendu la voix de l'eau by Hiromi Kawakami

Soudain, j'ai entendu la voix de l'eau by Hiromi Kawakami

Auteur:Hiromi Kawakami [Kawakami, Hiromi]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782809713688
Google: WREnDQAAQBAJ
Éditeur: Philippe Picquier
Publié: 2016-10-04T22:00:00+00:00


LES FEMMES

On va faire un voyage, dis, tu veux bien ? Nahoko m’a fait cette proposition quand j’étais en deuxième année de fac. Elle était en troisième année, c’était pendant les vacances d’été. Nous avons pris un train de la ligne Sôbu, et sans nous soucier de ce que nous ferions après, nous nous laissions bercer par le train. Nous sommes descendues à Narita et nous sommes allées voir le temple. Il faisait très chaud. Le long de l’allée qui mène au temple, il y avait plusieurs petits restaurants d’anguilles grillées. J’ai proposé à Nahoko d’en manger, mais conformément à la manie qui était la sienne depuis l’enfance de ne dire ni oui ni non, elle s’est contentée de murmurer une réponse inintelligible.

Nous sommes retournées à la gare, nous avons pris le train pour aller à Kashima, où nous avons fait une petite prière au sanctuaire.

Cette fois encore, Nahoko a gardé les mains jointes un long moment.

« Tu as prié pour quoi ?

— Rien de spécial. »

Sa réponse était sèche. Elle avait son expression habituelle, qu’on pouvait prendre pour un sourire, mais j’ai compris tout de suite qu’elle ne riait pas du tout.

« On reste pour la nuit, hein ? »

En quittant le sanctuaire Kashima, Nahoko a soudain retrouvé ses esprits, et dès qu’elle a repéré une cabine téléphonique, elle a composé un numéro en consultant son agenda.

Nous devions passer la nuit dans une auberge de jeunesse à Itako.

Là s’arrêtent mes souvenirs précis, et quant à savoir quelle ligne de train nous avons prise, où nous sommes descendues, où nous avons couché, ce que nous avons mangé, c’est le noir absolu. Une chose cependant, dès qu’on tombait sur un sanctuaire ou un temple, Nahoko ne manquait jamais d’y entrer et de joindre les mains, et comme on n’avait pas beaucoup d’argent, elle évitait tous les endroits où il fallait s’acquitter d’un droit de visite.

Nous avons marché, marché.

Ibaragi, Fukushima, Miyagi, nous changions de train et descendions quand l’une des deux en manifestait l’envie. Nous devisions en marchant.

Nahoko aimait quelqu’un.

« Mais ça ne va pas. »

Le passage où s’alignaient les commerces a pris fin, nous avons continué jusqu’à des rizières, enfin, la plupart du temps, les choses se présentaient de cette façon. À côté d’une maison, il y avait une petite parcelle de terre plantée de riz, les épis étaient mûrs, d’un beau vert vivace.

« Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ? » ai-je demandé, mais Nahoko n’a rien répondu.

Des sanctuaires, il y en avait partout. Et la plupart du temps, non loin, se dressait un temple. Ils étaient déserts, et quand nous étions fatiguées, nous restions un moment assises près de la fontaine en buvant le thé de notre petite bouteille thermos.

« Tu ne trouves pas que c’est barbant d’aimer quelqu’un ? a dit Nahoko.

— Alors il n’y a qu’à ne pas tomber amoureux.

— Ce n’est pas aussi simple. Tu ne crois pas que le monde serait plus supportable si les êtres humains étaient capables de dominer leurs sentiments ? »

J’ai acquiescé sans trop de conviction.



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