Call-Boy by Ira ISHIDA

Call-Boy by Ira ISHIDA

Auteur:Ira ISHIDA
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2016-03-21T13:08:57+00:00


Comme les rendez-vous avec cette femme qui s’appelait Itsuki étaient plutôt exigeants et intenses sur le plan intellectuel, j’en sortais souvent harassé psychologiquement parlant. Oui, plus qu’une relation charnelle, Itsuki cherchait à avoir une discussion intellectuelle avec le garçon dont elle louait les faveurs.

La première fois que je m’en rendis compte, nous dînions dans un restaurant français du quartier d’Akasaka. Il devait rester quelques années à Itsuki pour entrer dans la cinquantaine. Elle travaillait comme agent de liaison pour une société d’assurances européenne ayant l’intention d’investir le marché japonais. Elle portait toujours un pantalon gris avec de petits motifs imprimés.

Sur son visage bronzé et à peine maquillé se détachait un nez assez grand, elle avait de petits yeux et des lèvres qui formaient un demi-sourire chaque fois qu’elle lançait une remarque cynique. Sa chevelure était parsemée de gris, qui recouvrait même l’essentiel de ses tempes. Elle m’avait dit qu’elle trouvait pénible de les teindre régulièrement et avait décidé de les laisser ainsi. Elle n’était pas très belle, mais elle n’était pas sans charme et je l’aurais probablement suivie des yeux, si je l’avais croisée à la sortie d’une rame de métro.

Ensemble, nous avions déambulé dans les salles d’un musée, assisté à un ballet et fouiné dans une librairie, au cours de nos trois premiers rendez-vous. Il était plus d’une heure du matin quand nous étions entrés dans la librairie Aoyama, la dernière fois, et même à cette heure tardive, il y avait beaucoup de monde. Le magasin, aussi soigné que lumineux, attirait en effet tous les lecteurs insomniaques de la capitale. Itsuki déposait les livres qu’elle trouvait intéressants dans un panier que je portais. Cela ne me posa pas de problèmes tant qu’elle se contenta d’empiler les nouveautés, mais les choses devinrent plus compliquées quand elle passa au rayon des livres d’art et de photos. J’avais besoin de mes deux mains pour tenir mon panier débordant d’ouvrages. Comble de malchance, cette librairie regorgeait de livres lourds et imposants, et Itsuki ne paraissait pas s’inquiéter du format des œuvres qu’elle achetait.

En se dirigeant vers les caisses, elle s’arrêta devant l’étagère des livres de poche et se tourna vers moi.

— Ryô, est-ce que tu as déjà lu Platon ?

Je ne m’attendais évidemment pas à cette question. C’était, à coup sûr, la première fois qu’une femme me la posait.

— J’ai commencé à lire La République, mais je me suis arrêté avant la fin. Sinon, j’ai lu presque tous ses dialogues.

Elle acquiesça d’un air satisfait et tendit la main vers l’étagère. Elle en retira un exemplaire de L’Apologie de Socrate qui montrait plusieurs bustes de philosophes barbus. Elle le plaça délicatement sur un recueil de photos intitulé The New Color dont la couverture aux couleurs harmonieuses faisait penser à une peinture au pastel.

— Allons boire quelque chose maintenant.

Je portais trois sacs de livres à bout de bras. Nous entrâmes dans un café ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre qui se trouvait dans le voisinage. Nous avions bu de l’alcool durant nos rendez-vous précédents, mais elle ne semblait pas décidée à en boire cette fois-ci.



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