Le Citron by Motojirô Kajii

Le Citron by Motojirô Kajii

Auteur:Motojirô Kajii [Kajii, Motojirô]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans japonais
Éditeur: Philippe Picquier
Publié: 2014-03-06T05:00:00+00:00


4

Une fois qu’il eut balayé les feuilles mortes, d’abord des arbres, puis des rues que ceux-ci bordaient, le bruit du vent changea. L’asphalte se mit à geler, la nuit, comme si on l’avait fait reluire au crayon. C’est par une telle nuit que Takashi quitta son quartier tranquille pour se rendre à Ginza. Les splendides ventes-réclames de Noël et de fin d’année avaient commencé.

Presque tout le monde dans la rue était accompagné d’un ami, d’une personne aimée ou d’une famille. Sur les visages de ceux qui n’avaient pas de compagnons, se lisait le dessein de retrouver leurs connaissances. Et le marché des désirs matériels ne devait pas avoir mauvaise figure pour les solitaires s’ils possédaient argent et santé.

« Qu’est-ce que je viens faire à Ginza, moi ? » se mit à penser Takashi, à partir du moment où, bientôt, la rue ne fit plus que le fatiguer. Le visage d’une fillette qu’il avait vue un jour dans le tramway lui revint alors à l’esprit.

Avec un sourire modeste, elle se tenait à la poignée de cuir devant le siège où il était assis. Son cou de « grande fille » sortait d’un vêtement mal ajusté à son corps, comme un kimono d’intérieur ouaté. Son beau visage donnait du premier coup d’œil l’intuition de la maladie dont elle souffrait. Un abondant duvet ombrait sa peau d’une blancheur de porcelaine. Il y avait de la crasse autour de ses narines.

« Elle s’est certainement échappée du lit », s’était dit Takashi, en contemplant le sourire qui naissait et disparaissait sans cesse, comme des rides, à la surface du visage de la fillette. Qu’essuyait-elle en faisant semblant de se moucher ? Un sang vif lui montait passagèrement au visage à ces moments-là, comme lorsqu’un poêle laisse tomber ses cendres.

Tout en caressant l’image de la jeune fille, qui l’émouvait davantage à mesure que sa propre fatigue augmentait, Takashi, à Ginza, était embarrassé pour cracher. Tout à fait comme la jeune fille du conte de Grimm à qui des grenouilles sortaient de la bouche chaque fois qu’elle parlait.

Dans des circonstances semblables, il avait vu une fois un homme cracher. Un misérable socque de bois avait surgi inopinément et écrasé le crachat. Il n’était pas chaussé et un vieillard, qui vendait des toupies en fer-blanc sur une natte étalée en bordure de la route, le reposa sur l’autre socque de la paire, au bord de la natte, avec un geste de colère bien compréhensible. – Voilà ce qu’il avait vu.

Takashi s’était retourné vers les gens qui étaient passés : avait-on vu ? Non, apparemment. Il n’y avait pas assez de recul pour que la place où le vieillard était assis soit visible de la rue. D’ailleurs, ses toupies de fer-blanc n’étaient sans aucun doute que des vieilleries, même pour une boutique de gâteaux bon marché à la campagne. Takashi n’avait jamais vu un seul de ces jouets se vendre.

« Qu’est-ce que je suis venu faire ? »

Après avoir acheté, pour se donner une excuse, du café, du beurre,



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.