Petite Soeur la Mort by William Gay

Auteur:William Gay [Gay, William]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782021320626
Publié: 2017-02-28T23:00:00+00:00

Quand il eut laissé les chevaux dans la grange, il trouva Lorene plantée sur le seuil de la maison, lui barrant le chemin.

Il faut que je te parle, lui dit-elle.

Je t’écoute, fit Swaw.

Le juge Beale est venu ici.

Ah bon ? Qu’est-ce qu’il voulait ?

À ton avis ? Il voulait savoir quand tu finirais de rentrer le maïs. Et moi aussi, j’aimerais bien le savoir. Alors ?

Alors quoi ?

C’est pour quand ?

C’est pour quand, c’est pour quand ? répéta-t-il en la singeant. Quand les poules auront des dents, et pas avant. Voilà.

Espèce de sale poivrot !

Swaw lui adressa un geste de mépris et se détourna d’elle.

Owen Swaw, tu pars pas comme ça quand j’ai à te parler ! lança Lorene derrière son dos.

Il se dirigeait déjà vers le bosquet de chênes d’une démarche mal assurée, penchant un peu vers le côté gauche. La nuit tombait. À l’ouest, le ciel était d’un rouge terreux. Laborieusement, Swaw grimpa la pente, traînant les pieds dans l’herbe haute. Au sommet se trouvait un peuplier jaune que les vents du printemps avaient déraciné. Cela faisait un moment qu’il pensait le débiter en tronçons, mais il se rendait compte à présent que son cerveau ne fonctionnait pas très bien. Il n’avait apporté ni hache ni scie.

La jeune fille était assise sur le tronc du peuplier tombé au sol. Elle semblait l’attendre depuis un certain temps. Elle était pieds nus, le premier posé par terre, l’autre en appui sur le tronc, le genou calé contre sa poitrine. Ses bras entouraient sa jambe, sur laquelle reposait son menton. Elle observait Swaw d’un air morose, de dessous ses boucles blondes enchevêtrées.

Il s’arrêta, la fixant des yeux. Elle ne bougea pas, se contentant de lui rendre son regard.

Bonjour, dit-elle.

Du moins, c’est ce que Swaw crut entendre. Dans sa tête, ce mot sonna aussi clairement que le tintement d’une cloche, seulement il ne savait pas si elle avait parlé ou non. Il n’avait pas vu ses lèvres bouger, mais il savait que c’était ce qu’elle avait dit. Si elle avait parlé.

Bonjour, fit-il à son tour, maladroitement.

Dans la lumière du couchant, son visage était pâle, son regard calme, ses yeux gris insondables.

Vous avez apporté quelque chose à boire, monsieur Swaw ?

Son genou était levé si haut qu’il voyait tout ce que sa jupe ne cachait plus, sa cuisse blanche, sa toison blonde à la jointure, la chair légèrement ouverte de son sexe. Elle ne semblait pas gênée par son regard insistant.

Bien sûr que j’ai à boire !

Il lui tendit son flacon. Elle dévissa le bouchon, prit délicatement une petite gorgée, toussa un peu, et secoua la tête. Elle lui rendit le flacon.

Ça vous plaît ?

C’est pas mal. Ce que j’aime, c’est l’effet que l’alcool a sur moi. Ça me monte à la tête et ça me rend idiote. Les garçons aimaient bien me faire boire en douce, de temps en temps. Drewry, surtout. C’était du whiskey franchement meilleur que celui-ci, cela dit. Vous connaissez Drewry ?

Non.

Je pensais que tout le monde connaissait Drewry. C’est un type correct, Drewry.

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