Pays bleu, Le - 2 - Les menthes sauvages by Signol Christian

Pays bleu, Le - 2 - Les menthes sauvages by Signol Christian

Auteur:Signol, Christian [Signol, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir
ISBN: 9782221107027
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 1985-09-30T22:00:00+00:00


En mai, les premières rosées emperlèrent les combes. Philomène ne résista point au plaisir d’y marcher nu-pieds et de ramasser les petits champignons dont elle faisait de succulentes omelettes. L’arrivée du printemps réveilla rapidement la vie du village blottie pendant l’hiver près des cheminées, le soleil redonna aux collines ses couleurs chaudes, les parfums de fleurs fusèrent dans les après-midi radieux.

À la liste des réquisitions de la famille Fabre, les autorités avaient ajouté 200 œufs et 50 kilos de pommes de terre. Et il fallut faire face, en outre, aux réquisitions des maquis qui remettaient en échange d’un agneau un reçu dont on ne savait s’il serait remboursé. Qu’importe ! Adrien n’y regardait pas de si près, même lorsqu’il s’agissait de ravitailler ses amis de la ville où l’inflation donnait à la moindre denrée un caractère de produit de luxe.

Un soir, Alibert, radieux, arriva avec une bouteille de vieux marc pour partager sa joie avec Adrien et Philomène : son fils aîné, Gérard, qui était prisonnier en Allemagne, s’était évadé et, au terme d’une folle équipée, était arrivé au village la veille.

— Tu ne crois pas que tu devrais être prudent ? demanda Adrien. Tout le monde t’a vu passer, avec ta bouteille.

— Je m’en fous ! dit Alibert, il fallait que je trinque avec des amis, j’en ai bien le droit, non ?

Il reprit, joyeux :

— De toute façon, dans deux jours, il sera loin, et en sécurité.

Puis, réalisant soudain qu’il était en rain de remuer le fer dans une plaie :

— Excusez-moi, dit-il, j’avais oublié votre François, mais je suis venu de bon cœur, vous savez !

— Ne vous excusez pas, dit Philomène, parlez-moi plutôt de ce qu’il faisait en Allemagne.

— Oh ! il n’était pas malheureux, et j’espère que si votre François est là-bas, il aura autant de chance.

Philomène remarqua la lueur d’espoir qui s’était allumée dans les yeux d’Adrien. Souriant légèrement, il écoutait Alibert expliquer que son fils avait travaillé sur une propriété de plus de cent hectares, dans une immense plaine où l’on cultivait du maïs et du seigle et où l’on élevait un troupeau de plus de cent têtes.

— Et fallait voir ! s’extasiait-il. Ils avaient une trayeuse qui marchait à l’électricité, deux tracteurs et l’eau courante au robinet. Ah ! on a beau dire, mais ils en connaissent un rayon, les Allemands. Il ne faut pas les prendre pour plus sots qu’ils ne sont.

Il parla pendant plus d’une heure, vidant de temps en temps son demi-verre de marc, oubliant presque ses hôtes qui souriaient tristement. Chaque fois que le regard d’Adrien croisait le sien, Philomène avait envie de lui crier : « François est vivant, bien vivant », mais la même crainte de le blesser l’arrêtait toujours. Pourtant elle se rendait parfois à l’église et demandait à Dieu de lui en donner la force. Mais, aussitôt, elle se traitait de folle, se trouvait tous les défauts de la terre, et s’offrait en sacrifice pour que Guillaume et François lui reviennent très vite.

Le lendemain



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