Paludes by André Gide

Paludes by André Gide

Auteur:André Gide [Gide, André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-10-15T04:00:00+00:00


Je la quittai. Je revins chez moi presque en courant ; je me déshabillai ; je me couchai ; non pour dormir ; quand je vois les autres prendre du café, cela m’agite. Or je me sentais en détresse et me disais : « Pour les persuader, ai-je bien fait ce que je pouvais faire ? J’aurais dû trouver pour Martin quelques arguments plus puissants… Et Gustave ! – Ah ! il n’aime que les fous, Valentin ! – m’appeler “raisonnable” – si c’est possible ! moi qui n’ai fait rien que d’absurde tout ce jour. Je sais bien que ça n’est pas la même chose… Ici, ma pensée, pourquoi t’arrêter et me fixer comme une chouette hagarde ? – Révolutionnaire, peut-être que je le suis, après tout, à force de l’horreur du contraire. Comme l’on se sent misérable pour avoir voulu cesser de l’être ! – Ne pas pouvoir se faire entendre… C’est pourtant vrai, cela que je leur dis – puisque j’en souffre. – Est-ce que j’en souffre ? – Ma parole ! à de certains moments, je ne comprends plus du tout ni ce que je veux ni à qui j’en veux ; – il me semble alors que je me débats contre mes propres fantômes et que je… Mon Dieu ! mon Dieu, c’est là vraiment chose pesante, et la pensée d’autrui est plus inerte encore que la matière. Il semble que chaque idée, dès qu’on la touche, vous châtie ; elles ressemblent à ces goules de nuit qui s’installent sur vos épaules, se nourrissent de vous et pèsent d’autant plus qu’elles vous ont rendu plus faible… À présent que j’ai commencé de chercher les équivalents des pensées, pour les rendre aux autres plus claires – je ne peux cesser ; rétrospections ; – voilà des métaphores ridicules ; – je me sens prendre peu à peu, à mesure que je les dépeins, par toutes les maladies que je reproche aux autres, et je garde pour moi toute la souffrance que je ne parviens pas à leur donner. – Il me semble à présent que le sentiment que j’en ai augmente encore ma maladie, et que les autres, après tout, peut-être ne sont pas malades. – Mais alors, ils ont raison de ne pas souffrir – et je n’ai pas raison de le leur reprocher ; – pourtant je vis comme eux, et c’est de vivre ainsi que je souffre… Ah ! ma tête est au désespoir ! – Je veux inquiéter – je me donne pour cela bien du mal – et je n’inquiète que moi-même… Tiens ! une phrase ! notons cela. » Je sortis un feuillet de dessous mon oreiller, je rallumai ma bougie et j’écrivis ces simples mots :

« S’éprendre de son inquiétude. »

Je soufflai ma bougie.

« … Mon dieu, mon Dieu ! avant de m’endormir, il y a un petit point que je voudrais scruter encore. On tient une petite idée – on aurait aussi bien pu la laisser tranquille… –



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