Lettres philosophiques by Voltaire

Lettres philosophiques by Voltaire

Auteur:Voltaire [Voltaire]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Essai/Philosophie
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2015-08-31T04:00:00+00:00


DIX-SEPTIÈME LETTRE

SUR L’INFINI ET SUR LA CHRONOLOGIE.

Le labyrinthe et l’abîme de l’infini est aussi une carrière nouvelle parcourue par Newton, et on tient de lui le fil avec lequel on s’y peut conduire.

Descartes se trouve encore son précurseur dans cette étonnante nouveauté, il allait à grands pas dans sa géométrie jusque vers l’infini ; mais il s’arrêta sur le bord. M. Wallis, vers le milieu du dernier siècle, fut le premier qui réduisit une fraction, par une division perpétuelle, à une suite infinie.

Milord Brouncker se servit de cette suite pour carrer l’hyperbole.

Mercator publia une démonstration de cette quadrature. Ce fut à peu près dans ce temps que Newton, à l’âge de vingt-trois ans, avait inventé une méthode générale pour faire sur toutes les courbes ce qu’on venait d’essayer sur l’hyperbole.

C’est cette méthode de soumettre partout l’infini au calcul algébrique, que l’on appelle calcul différentiel, ou des fluxions et calcul intégral. C’est l’art de nombrer et de mesurer avec exactitude ce dont on ne peut pas même concevoir l’existence.

En effet, ne croiriez-vous pas qu’on veut se moquer de vous, quand on vous dit qu’il y a des lignes infiniment grandes qui forment un angle infiniment petit.

Qu’une droite qui est droite tant qu’elle est finie, changeant infiniment peu de direction, devient courbe infinie : qu’une courbe peut devenir infiniment moins courbe.

Qu’il y a des carrés d’infini, des cubes d’infini, et des infinis d’infini, dont le pénultième n’est rien par rapport au dernier ?

Tout cela, qui paraît d’abord l’excès de la déraison, est, en effet, l’effort de la finesse et de l’étendue de l’esprit humain, et la méthode de trouver des vérités qui étaient jusqu’alors inconnues.

Cet édifice si hardi est même fondé sur des idées simples. Il s’agit de mesurer la diagonale d’un carré, d’avoir l’aire d’une courbe, de trouver une racine carrée à un nombre qui n’en a point dans l’arithmétique ordinaire.

Et, après tout, tant d’ordres d’infinis ne doivent pas plus révolter l’imagination que cette proposition si connue, qu’entre un cercle et une tangente on peut toujours faire passer des courbes ; ou cette autre, que la matière est toujours divisible. Ces deux vérités sont depuis longtemps démontrées, et ne sont pas plus compréhensibles que le reste.

On a disputé longtemps à Newton l’invention de ce fameux calcul. M. Leibnitz a passé en Allemagne pour l’inventeur des différences que Newton appelle fluxions, et Bernoulli a revendiqué le calcul intégral, mais l’honneur de la première découverte a demeuré à Newton, et il est resté aux autres la gloire d’avoir pu faire douter entre eux et lui.

C’est ainsi que l’on contesta à Harvey la découverte de la circulation du sang ; à M. Perrault, celle de la circulation de la sève. Hartsœker et Leuvenhœck se sont contesté l’honneur d’avoir vu le premier les petits vermisseaux dont nous sommes faits. Ce même Hartsœker a disputé à M. Huyghens l’invention d’une nouvelle manière de calculer l’éloignement d’une étoile fixe, on ne sait encore quel philosophe trouva le problème de la roulette.

Quoi qu’il en soit, c’est par cette géométrie de l’infini que Newton est parvenu aux plus sublimes connaissances.



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