Citadelle by Antoine de Saint-Exupéry

Citadelle by Antoine de Saint-Exupéry

Auteur:Antoine de Saint-Exupéry [Antoine de Saint-Exupéry]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Feedbooks
Publié: 1948-02-07T05:00:00+00:00


Mais toi, sentinelle endormie, non parce que tu as abandonné la ville mais parce que la ville t’a abandonnée, il me vient, devant ton visage d’enfant pâle, l’inquiétude de l’empire s’il ne peut plus me réveiller mes sentinelles.

Mais certes je me trompe recevant dans sa plénitude le chant de la ville et découvrant noué ce qui pour toi se divisa. Et je sais bien qu’il te fallait attendre, droit comme le cierge, pour en être récompensé à ton heure par ta lumière et ivre tout à coup de tes pas de ronde comme d’une danse miraculeuse sous les étoiles dans l’importance du monde. Car il est là-bas dans l’épaisse nuit des navires qui déchargent leurs cargaisons de métaux précieux et d’ivoire, et il se trouve, sentinelle sur les remparts, que tu contribues à les protéger et à embellir d’or et d’argent l’empire que tu sers. Car il est quelque part des amants qui se taisent avant d’oser parler et ils se regardent et voudraient dire… car si l’un parle et si l’autre ferme les yeux c’est l’univers qui va changer. Et tu protèges ce silence. Car il est quelque part ce dernier souffle avant la mort. Et ils se penchent pour recueillir le mot du cœur et la bénédiction pour toujours que l’on enfermera en soi, l’ayant reçue, et tu sauves le mot d’un mort.

Sentinelle, sentinelle, je ne sais où s’arrête ton empire quand Dieu te fait la clarté d’âme des sentinelles, ce regard sur cette étendue à laquelle tu as droit. Et peu m’importe que tu sois en d’autres instants tel qui rêve de la soupe en grommelant dans sa corvée. Il est bon que tu dormes et il est bon que tu oublies. Mais il est mauvais qu’oubliant tu laisses crouler ta demeure.

Car la fidélité c’est d’être fidèle à soi-même.

Et moi je veux sauver non toi seul mais tes compagnons. Et obtenir de toi cette permanence intérieure qui est d’une âme bien bâtie. Car je ne détruis pas ma maison lorsque je m’en éloigne. Ni ne brûle mes rosés si je cesse de les regarder. Elles demeurent disponibles pour un nouveau regard qui bientôt les fera fleurir.

J’enverrai donc mes hommes d’armes se saisir de toi. Tu seras condamné à cette mort qui est la mort des sentinelles endormies. Il te reste de te reprendre et d’espérer de t’échanger, par l’exemple de ton propre supplice, en vigilance des sentinelles.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.