Nouvelles jurassiennes by Louis Favre

Nouvelles jurassiennes by Louis Favre

Auteur:Louis Favre [Favre, Louis]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Nouvelles, Montagne, Société, Littérature suisse romande et des régions voisines, 19e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2021-03-11T00:00:00+00:00


L’affût.

Vers neuf heures du soir, Jean des paniers, qui jusqu’alors avait manœuvré sournoisement dans le village, entra dans une maison voisine de la Balance. La forte odeur de tan et de cuir, qui remplissait l’étroit corridor, ne laissait aucun doute sur la vocation du propriétaire.

— Y a-t-il quelqu’un ? cria-t-il en frappant les parois de l’allée avec son bâton.

Une porte s’ouvrit et l’on vit apparaître un homme blond, grand et fort, à figure joviale, aux joues colorées, qui se mit à rire en reconnaissant son visiteur.

— Que fais-tu là, si tard ? C’est bientôt le temps d’aller se coucher. Viens, entre au chaud un moment.

— Henri Montandon, dit le vannier, en allant droit au but, un loup rôde la nuit autour de votre tannerie.

— Je le sais paableu bien, dit le tanneur, qui grasseyait d’une façon extravagante. – Cet homme, taillé en Hercule, qui portait à lui seul quatre cuirs de bœuf sortant de la cuve, n’avait jamais pu prononcer l’r. – Ne vois-tu pas que je suis en train de nettoyer ma canardière, pour conduire le traque commandé pour demain. On a vu jusqu’à cinq loups traverser le village. – Il prit sur la table un immense fusil à long canon, à gros calibre, à tonnerre polygonal, portant l’inscription : Canon tordu de Piquet, qu’il se remit à frotter avec un chiffon de laine imbibé d’huile.

— Voulez-vous tuer un loup cette nuit ?

— Paa exemple ! Où cela ?

— Pas plus loin que votre fumier ; la galerie servira d’embuscade.

— J’ai bien vu des pas sur la neige, autour de la maison ; mais il n’est pas sûr qu’il reviendra.

— Si, il reviendra.

— Comme tu dis cela ! As-tu l’onguent qui charme les loups ?

— Peut-être. J’ai traîné ce soir sur la neige autour du village une jeune brebis qui a péri au Val-de-Travers, et qu’on m’a donnée aujourd’hui quand je faisais ma tournée. Je l’ai laissée sur le fumier. – Alors Jean des paniers raconta dans tous ses détails l’histoire de son loup, ce qui échauffa l’imagination du tanneur, déjà surexcitée par l’honneur de diriger la battue du lendemain.

— Alors, mon vieux, nous allons fondhe des balles. Tu m’aidehas. Il faut en avoir une provision. J’en metthai trois dans le canon de mon fusil ; il est solide. On est plus sûr de son affaire avec trois balles qu’avec une seule. Ça hepousse un peu l’épaule, mais, tonnerre de cuir ! il s’agit de ne pas manquer la prime.

— Cent francs, c’est un joli denier.

Lorsque la canardière fut suffisamment nettoyée, polie, huilée, quand la batterie joua de manière à produire ce bruit sec qui réjouit l’oreille d’un chasseur, les deux hommes allumèrent du feu à la cuisine, sur l’âtre, et commencèrent cette opération si amusante et de plus en plus abandonnée aux machines : la fonte des balles. Une grande cuiller de fer, munie d’un bec, fut placée au milieu du brasier ; l’un maniait le soufflet, tandis que l’autre coupait des quartiers de plomb avec un ciseau.



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