Mémoires écrits dans un souterrain by Fiodor Dostoïevski

Mémoires écrits dans un souterrain by Fiodor Dostoïevski

Auteur:Fiodor Dostoïevski
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782371240384
Éditeur: Bibliothèque russe et slave
Publié: 2014-09-15T00:00:00+00:00


4

JE savais dès la veille que j’arriverais le premier. Mais il ne s’agissait déjà plus de priorité.

Non seulement il n’y avait personne, mais j’eus peine à trouver notre cabinet. Que voulait dire cela ? Après force questions je finis par apprendre des garçons que le dîner avait été commandé pour six heures et non pour cinq. On me le confirma à la caisse. J’avais honte de toutes ces questions. Il n’était encore que cinq heures vingt-cinq. Ils avaient changé l’heure, on aurait dû en tout cas m’en prévenir, la poste est faite pour ça, et ne pas m’exposer à cet « opprobre » vis-à-vis d’eux... et des garçons. Je pris place, le garçon commença à mettre le couvert ; sa présence rendait ma position encore plus humiliante. Vers six heures, en plus des lampes allumées, on apporta des bougies : on n’avait pas songé à les apporter dès mon arrivée. Dans la pièce voisine dînaient, à des tables différentes, deux visiteurs moroses, l’air irrité et ne soufflant mot. Dans un salon éloigné, on faisait grand bruit ; c’étaient des cris, les éclats de rire de toute une société ; on entendait même des exclamations de mauvais ton, à la française ; il y avait des dames à dîner. Bref, c’était écœurant. J’ai rarement passé une pire minute ; aussi quand, à six heures, ils arrivèrent tous ensemble, je m’en réjouis au premier instant comme d’une délivrance, oubliant presque que je devais paraître offensé.

Zverkov entra le premier, en qualité de chef, évidemment. Lui et les autres riaient ; mais en m’apercevant, Zverkov prit un air digne, s’avança sans hâte, la taille un peu courbée, comme par coquetterie, et me tendit la main avec une certaine affabilité, une politesse réservée, presque à la manière d’un général, comme si, en faisant ce geste, il se préservait de quelque chose. Je m’imaginais au contraire que, sitôt entré, il rirait de son rire d’autrefois, grêle, ponctué d’exclamations, et que, dès les premiers mots, on entendrait ses plaisanteries et ses plates saillies. Je m’y préparais depuis la veille, mais ne m’attendais pas à une affabilité si hautaine, si condescendante. Il s’estimait donc maintenant infiniment supérieur à moi sous tous les rapports ? « S’il a seulement voulu m’offenser par ces façons de général, ce n’est encore rien, pensais-je ; je prendrai bien ma revanche n’importe comment. Mais quoi, si vraiment, sans aucune intention de m’offenser, l’idée a germé pour de bon dans sa cervelle obtuse, qu’il m’est infiniment supérieur et ne peut me regarder que d’un air protecteur ? » Je suffoquais rien qu’à cette supposition.

— J’ai appris avec étonnement votre désir de vous joindre à nous, commença-t-il en zézayant et en traînant les mots, ce qui ne lui arrivait pas autrefois. — Il n’y avait pas moyen de nous rencontrer. Vous nous fuyez sans raison. Nous ne sommes pas si terribles qu’il vous semble. En tout cas, enchanté de re-nou-er...

Et il se tourna négligemment pour déposer son chapeau sur l’appui de la fenêtre.

— Il y a longtemps que vous attendez ? demanda Troudolioubov.

— Je suis arrivé



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