L'Herbe Rouge by Boris Vian

L'Herbe Rouge by Boris Vian

Auteur:Boris Vian [Boris Vian]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE XXI

Ils allaient, sans se soucier du chemin, côte à côte, comme pour faire Ève. Lazuli traînait un peu la jambe et sa combinaison de soie grège faisait des plis. Wolf marchait la tête baissée, comptant ses pieds. Au bout d’un moment il dit avec une espèce d’espoir :

– Si on passait par les cavernes ?

– Oui, dit Lazuli. Ici, il y a trop de monde.

Ils venaient en effet, pour la troisième fois en dix minutes, de croiser un vieillard pas frais. Wolf étendit le bras à gauche pour montrer qu’il allait tourner, et ils entrèrent dans la première maison. C’était une maison à peine poussée, un étage environ, car ils approchaient des faubourgs. Ils descendirent l’escalier de la cave, vert de mousse, et parvinrent au couloir général qui desservait la rangée. De là, sans effort, on accédait aux cavernes. Il suffisait d’assommer le gardien, ce qui fut chose aisée, car il ne lui restait qu’une dent.

Derrière le gardien, s’ouvrait une porte étroite avec un arc en plein cintre et un nouvel escalier, tout brillant de cristaux minuscules. Des lampes, de place en place, guidaient les pas de Wolf et de Lazuli qui faisaient crisser sous leurs semelles les concrétions éblouissantes. En bas de l’escalier, le souterrain s’élargissait et l’air devenait chaud, avec des pulsations comme dans une artère.

Ils firent deux ou trois cents mètres avant de se parler. Par endroits, le mur s’interrompait sur des ouvertures plus basses des ramifications du passage central et chaque fois, les couleurs des cristaux changeaient. Il y en avait des mauves, des vert vif, certains comme des opales, avec des reflets à la fois bleu lacté et orange ; des couloirs avaient l’air tapissés d’yeux de chat. Dans d’autres, la lumière tremblait doucement et le centre des cristaux palpitait comme un petit cœur minéral. Ils ne couraient aucun risque de se perdre, parce qu’il n’y avait qu’à suivre le passage principal pour arriver en dehors de la ville. Ils s’arrêtaient parfois pour suivre du regard les jeux de lumière dans une des ramifications. Aux raccordements, il y avait des bancs de pierre blanche pour s’asseoir.

Wolf pensait que la machine continuait à l’attendre dans le noir et il se demandait quand il allait y retourner.

– Il y a un liquide qui suinte sur les montants de la cage, dit Wolf.

– Ce que vous aviez sur la figure en descendant ? demanda Lazuli. Ce machin noir et collant ?

– C’est devenu noir quand je suis descendu, dit Wolf. Dedans, c’était rouge. Rouge et poisseux comme du sang épais.

– Ce n’est pas du sang, dit Lazuli, c’est probablement une condensation…

– C’est remplacer un mystère par un mot, dit Wolf. Ça fait un autre mystère, c’est tout. On commence comme ça, et on finit par faire de la magie.

– Et alors ? dit Lazuli. Ce n’est pas de la magie, cette histoire de cage ? C’est un résidu de vieille superstition gauloise.

– Laquelle ? dit Wolf.

– Vous êtes comme tous les autres Gaulois, dit Lazuli. Vous craignez que le ciel ne vous tombe sur la tête, alors, vous prenez les devants.



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