Les Yeux de Manon by Brigitte Varel

Les Yeux de Manon by Brigitte Varel

Auteur:Brigitte Varel [Varel, Brigitte]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
ISBN: 9782258094932
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 1997-07-08T22:00:00+00:00


21

Enfin, Gabrielle entendit quelques bruits dans la chambre d’à côté. Elle regarda à ses pieds la valise qui attendait la poigne d’un porteur au sommet de l’escalier.

Le chiot blond était couché au bas des marches, gardien vigilant de la maison silencieuse, qui attendait Thierry pour manifester sa première joie de la journée.

Gabrielle se préparait pour un nouvel acte dont elle venait de préméditer les quelques scènes. Depuis déjà deux bonnes heures, elle savourait la joie d’assener d’autres coups à Thierry. Elle redressa le buste, comédienne-née, et souleva le menton ; tout d’abord, lui faire croire qu’elle acceptait de quitter les lieux.

Quand Thierry sortit de sa chambre et vint dans sa direction, elle s’amusa de voir ses traits se crisper à sa vue. Il avait enfilé sa robe de chambre et des babouches marocaines, et semblait avoir passé une nuit blanche.

Elle bloqua son avancée jusqu’à l’escalier.

Le chiot s’était levé mais s’était aussitôt immobilisé, frémissant, n’osant donner de la voix, sensible à l’atmosphère électrique de l’air ambiant.

Thierry aussi s’était arrêté net, le visage pâle aux orbites enfoncées, les poings douloureusement crispés au fond de ses poches.

— Nous devons discuter, affirma-t-elle.

— Je croyais t’avoir dit de disparaître ! dit-il d’une voix sourde.

L’éclat de ses yeux aurait pu la transpercer.

— Sois sans crainte, je m’occupe de ma disparition, j’ai cette valise à descendre, pourrais-tu…

Sans répondre, il la déséquilibra pour la dépasser. Elle fit front tout en reculant de deux pas jusqu’à la première marche.

— Tu as passé une bonne nuit ?

L’effort qu’il fit sur lui-même pour retenir ses poings dans leur abri mit Thierry dans un état tel qu’il eut comme un vertige. Il lui fallait vaincre cette difficulté d’agir et de parler normalement.

— Tu ne sais pas tout, le provoqua-t-elle encore, un sourire léger sur les lèvres.

Elle ne s’était pas attendue à le voir ainsi, presque fanfaron. La rage commençait à l’envahir.

Il respira profondément, se redressant pour atteindre une taille maximum, et la toisa. Il prit un ton qu’elle aurait souhaité tremblotant, mais qui ressemblait au sien. La fureur de Gabrielle décupla de l’entendre analyser une situation qu’elle avait cru rendre infernale.

— Ce que je sais me suffit amplement pour donner un nouveau sens à ma vie, répondit-il d’une voix teintée d’ironie. Je tiens d’ailleurs à te remercier de tes aveux… tardifs. Tu me demandes si j’ai passé une bonne nuit ? Plus que tu ne peux le supposer ; tu as recollé les morceaux d’un vieux rêve brisé, tu m’as ouvert les yeux, mis devant mes responsabilités. Grâce à toi, je vais pouvoir tenter de rattraper le temps que tu m’as fait perdre. Tu n’as finalement pas entièrement maîtrisé les événements, ma chère.

— Ah oui ? l’interrompit-elle, se demandant, à ce stade, s’il ne la bernait pas avec des airs qui ne lui ressemblaient pas. Mais alors, il faut que je t’éclaire sur d’autres points, mon chou.

— N’en rajoute plus, la menaça-t-il, les dents serrées. Disparais !

Elle avait saisi la brutale crainte dans le regard noir et s’en réjouit.

— Ah ! très cher, dit-elle, amusée, j’ai encore de grands services à te rendre.



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