Le parfum by Suskind Patrick

Le parfum by Suskind Patrick

Auteur:Suskind,Patrick [Suskind,Patrick]
Format: epub, mobi
Tags: Policier
Éditeur: AlexandriZ
Publié: 1984-12-31T23:00:00+00:00


27

Ah ! qu’il était agréable de rentrer chez soi ! La double fonction de vengeur et de créateur du monde n’était pas peu astreignante, et se laisser ensuite fêter des heures durant par sa propre progéniture, ce n’était pas de tout repos non plus. Las de ses tâches divines de création et de représentation, le Grand Grenouille avait soif de joies domestiques.

Son cœur était un château pourpre. Il était situé dans un désert de pierre, camouflé derrière des dunes, entouré par une oasis de marécages et ceint de sept murailles de pierre. On ne pouvait l’atteindre que par la voie des airs. Il possédait mille chambres et mille caves et mille salons raffinés, dont un avec un simple canapé pourpre, sur lequel Grenouille, qui désormais n’était plus le Grand Grenouille, mais Grenouille tout court, ou simplement le cher Jean-Baptiste, avait coutume de se reposer des fatigues de la journée.

Or, dans les chambres du château, il y avait des rayonnages depuis le sol jusqu’aux plafonds, ils contenaient toutes les odeurs que Grenouille avait collectionnées au cours de sa vie, plusieurs millions. Et dans les caves du château reposaient, dans des tonneaux, les meilleurs parfums de sa vie. Lorsqu’ils étaient à point, ils étaient soutirés et mis dans des bouteilles, qui étaient rangées par crus et par années dans des kilomètres de galeries fraîches et humides ; et il y en avait tant qu’une vie n’aurait pas suffi à les boire toutes.

Et quand le cher Jean-Baptiste, enfin de retour dans son chez-soi, était étendu sur son divan simple et douillet dans le salon pourpre – et qu’il avait en quelque sorte enfin quitté ses bottes –, il frappait dans ses mains pour appeler ses serviteurs, qui étaient invisibles et inaudibles, impossibles à toucher et surtout à sentir, donc des serviteurs complètement imaginaires, et il leur ordonnait d’aller dans les chambres chercher, dans la grande bibliothèque des odeurs, tel ou tel volume, et de descendre dans les caves pour lui rapporter à boire. Les serviteurs imaginaires se précipitaient et, dans une cruelle impatience, Grenouille sentait son estomac se crisper. Il se sentait soudain comme l’alcoolique qui, au comptoir, a peur que pour une raison ou pour une autre on lui refuse le petit verre qu’il vient de commander. Qu’est-ce qui se passerait, si tout d’un coup les caves et les chambres étaient vides, ou si le vin dans les tonneaux s’était gâté ? Pourquoi le faisait-on attendre ? Pourquoi ne revenait-on pas ? Il lui fallait ça tout de suite, il en avait un besoin urgent, il était en manque, il allait mourir sur le champ, si on ne le lui apportait pas.

Mais du calme, Jean-Baptiste ! Du calme, l’ami ! On vient, on t’apporte ce que tu désires. Voilà les serviteurs qui accourent. Ils portent sur un plateau invisible le livre d’odeurs, ils apportent entre leurs mains invisibles gantées de blanc les précieuses bouteilles, les posent, avec force précautions, ils s’inclinent, et ils disparaissent.

Et laissé seul, enfin (une fois de plus !)



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