Lady Sherlock 1 - Une etude en rose bonbon - Sherry Thomas by Sherry Thomas

Auteur:Sherry Thomas [Thomas, Sherry]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2021-04-07T00:00:00+00:00

Charlotte observait Mme Watson, qui tournait sa cuillère dans son thé.

De retour chez elle, elle avait revêtu une robe plus simple en velours couleur feuille morte qui n’aurait pas déplu à Livia, s’il n’y avait eu ce passepoil doré qui bordait l’ourlet de la jupe. Quant à son intérieur, il était meublé dans un style plutôt classique, sans les motifs fantasques et influences orientales qu’on associait souvent à une décoration bohème.

En fait, à part les photographies de scène, un visiteur aurait pu se croire dans le salon d’une veuve ordinaire et respectable. Belle et très aimable, mais dénuée de toute excentricité.

Les photographies racontaient une tout autre histoire. Charlotte, qui avait pourtant pris l’habitude ces derniers temps de faire fi des mœurs conventionnelles, fut plus que décontenancée par les images d’une jeune Mme Watson en culotte et collants. Dans la pudibonde société victorienne, les jambes d’une femme étaient toujours noyées sous des couches de jupons. Même les culottes bouffantes qu’osaient arborer les rares sportives courageuses étaient prévues pour dissimuler leurs formes.

Bien sûr, il existait des cartes postales d’actrices en tenue légère. Mais la vue des cuisses et mollets de son hôtesse si délibérément dévoilés… Elle ne pouvait qu’imaginer le choc des candidates qui espéraient devenir la dame de compagnie de Mme Watson.

Celle-ci lut dans ses pensées.

— Le public considère toutes les artistes de scène comme des femmes aux mœurs légères, voire des catins. Mais les comédiennes sérieuses qui jouent Shakespeare se consolent en se disant qu’au moins elles ne s’abaissent pas à la vulgarité du music-hall. Et les artistes de music-hall se félicitent de ne pas tomber dans l’absurdité pornographique qu’est le burlesque. J’ignore à qui se comparent les artistes de burlesque, mais elles doivent bien se juger supérieures à quelqu’un, j’en suis sûre.

Charlotte soupira.

— Ma sœur redoute de finir vieille fille et sans le sou. Parfois, je pense qu’elle craint surtout de devenir la femme la plus pathétique qu’elle connaisse – sans personne à qui elle pourrait se sentir un tant soit peu supérieure.

Mme Watson posa sa tasse sans avoir bu.

— Et vous, que craignez-vous le plus, mademoiselle Holmes ?

Charlotte hésita. Sa pire crainte, elle la connaissait, mais n’avait pas l’habitude de l’exprimer à voix haute.

— J’ai toujours peur d’être redevable à quelqu’un. Je veux être indépendante – et je veux gagner cette indépendance. Or, désormais, je ne crois plus que la bonne fortune me sourira, pas après toutes les erreurs que j’ai commises.

— Avez-vous quelqu’un de précis en tête ? Quelqu’un à qui vous ne souhaitez pas être redevable ?

Charlotte surmonta sa réticence et se jeta à l’eau.

— Mon père a un fils naturel.

L’information n’était pas de notoriété publique. Si Charlotte l’avait appris, c’était parce qu’elle voulait savoir pourquoi lady Amélia avait éconduit sir Henry. Ce n’était peut-être pas l’unique raison, mais pour une femme de la condition de lady Amélia, épouser un simple baronet revenait déjà à descendre d’une marche sur l’échelle sociale. Qu’il ait eu un enfant en dehors des liens du mariage – pas forcément un

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