Crime et Châtiment au Moyen Age by Unknown

Crime et Châtiment au Moyen Age by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2012-12-15T00:00:00+00:00


Le conflit des juridictions

Au moment où le Moyen ge s’achève, les institutions de la justice ne sont pas encore stabilisées. À Paris, la justice du roi, qui préfigure la justice d’État, occupe une place prééminente à travers la prévôté et le Parlement, sans avoir réussi à éliminer les nombreuses juridictions seigneuriales encore présentes dans la ville. Ailleurs, la situation est tout aussi éparpillée et les justiciables eux-mêmes ne s’y trompent pas, qui tentent de relever des cours les moins sévères ou les plus favorables. Cette « mise en concurrence » – qui, en droit, n’aurait pas dû être, chacun relevant d’un seul juge selon sa demeure ou son statut – générait chaque année des centaines de conflits de compétence, d’autant plus vifs qu’ils portaient à la fois sur des questions de prérogatives, fortement symboliques, et sur des questions pécuniaires, la justice procurant d’amples rentrées d’argent.

Dans la capitale, le climat demeurait structurellement tendu entre la justice du roi et les juridictions ecclésiastiques, le prévôt et l’évêque. On n’hésitait jamais à se disputer un inculpé, voire à dépendre le condamné pendu, ou même son effigie par l’autorité concurrente, comme dans cet exemple, tiré des archives de Sainte-Geneviève à la fin du XIIe siècle : « L’an de grâce 1282 ou environ fut suivi un larron, qui tua un homme qui le suivait et puis fut pris, et tué en prenant le chemin de nos dépendances de Vanves, et de Vaugirard. Le prévôt de Paris le pendit. La justice de Sainte-Geneviève en fut ressaisie […] et le vêtement [du larron] fut traîné et pendu aux fourches de Vanves25. »

Au début du XIVe siècle, Paris se partageait encore entre quelque cent cinquante seigneuries foncières. Une trentaine étaient entre les mains de seigneurs ecclésiastiques, dont les puissants établissements de Saint-Germain-des-Prés, Sainte-Geneviève, Saint-Victor, Saint-Magloire, Saint-Éloi, Saint-Martin-des-Champs ou en encore du Temple, sans compter le temporel de l’évêque ou celui du chapitre de Notre-Dame. Même si censives et justices ne coïncidaient pas toujours (ou à cause de cela), la situation était inextricable26. On pouvait dans la même rue changer de seigneur justicier, chacun d’entre eux disposant en propre d’un maire, d’un prévôt, de sergents et d’une prison.

Dès lors, les malfaiteurs tentaient de se prévaloir de la juridiction qui leur semblait la plus accommodante et leur choix les portait en général à se prétendre justiciables de l’Église. Cela ne les mettait pas à l’abri des punitions, comme cette femme que la justice de Sainte-Geneviève fit essoriller : « L’an de grâce 1286 ou environ fut prise une femme pour larrecin près des fourches de Sainte-Geneviève. Le prevôt [de Paris] l’emprisonna et puis en ressaisit [le tribunal de Sainte-Geneviève], et fut jugiée par nous, et eut, l’orille coupée ; presents le neveu Rogier du Graiffe, sergent du Chastellet, le maire et Guillaume le Serjant27. »

La quasi-totalité des querelles de compétence avaient trait à la reconnaissance de la qualité de clerc à laquelle se référaient la plupart des mauvais sujets. Le privilège de clergie plaçait en effet son détenteur sous



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