La tresse d'or by Mireille Pluchard

La tresse d'or by Mireille Pluchard

Auteur:Mireille Pluchard [Pluchard, Mireille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782812934155
Éditeur: De Borée
Publié: 2017-11-07T23:00:00+00:00


La famille Crozes, père, mère et fils, passait pour la plus nantie de la mazade. Anselme Crozes des Huttes avait épousé sa cousine, Hortense Crozes de Lachamp, un hameau voisin. Par cette alliance qui avait obtenu la bénédiction des deux familles parentes, les biens ruraux des deux parties s’étaient aussi unis et représentaient à ce jour un patrimoine estimable.

À l’approche de la soixantaine, au bout d’une vie d’esclaves de leurs terres et de leur bétail, les deux vieux fermiers faisaient baver d’envie leurs voisins de misère, car il est bien connu qu’il est plus aisé d’estimer le fruit du travail des autres que le sien.

Enviés pour leurs terres qui s’étendaient des Huttes à Lachamp, pour leurs bois de résineux, leur troupeau de seize vaches et surtout pour leur couple de bœufs qui, humblement assujettis au joug, tiraient des charretées de fourrage et de paille tout au long de l’été, ils ne refusaient jamais de rendre un service, d’apporter une aide que jamais on ne leur revaudrait.

Ils étaient ainsi faits, les Crozes !

– Père Anselme, l’orage menace ; vous pourriez ramener mes foins avant la nuit ?

– Holà, Crozes ! Tu me prêtes ton attelage pour ma coupe de bois ? À charge de revanche !

– Eh l’Anselme ! Tes bœufs vont s’aborir85 à feignanter dans l’étable, alors qu’ils me seraient bien utiles pour labourer mon champ.

C’était à qui, on le voit, profiterait de la bonhomie de ce couple discret, serviable ô combien ! et toujours envié… quoiqu’on leur reconnût un injuste malheur, celui qui frappait leur enfant unique, rescapé d’une longue série de fausses couches et d’enfants mort-nés. Auguste, Gustou pour ses parents, était de bonne constitution ; on ne pouvait en dire autant de son état mental auquel une dégénérescence consanguine n’était certainement pas étrangère.

– Mon Gustou est un bon gars, affirmait Hortense, même s’il lui manque un peu de comprenelle86.

En effet, Gustou n’était pas mauvais gars ; bien bâti, carré d’épaules, d’une force et d’un potentiel de travail qui ne lui faisaient pas renier ses parents, son apparence physique compensait le vide de son cerveau. La bouche perpétuellement ouverte sur deux rangées de chicots noirâtres lui assurait une respiration bruyante et fétide que ne lui permettaient pas des végétations rendant son élocution – un grand mot dans son cas – nasillarde.

Certes, il parlait peu ou pas, mais son regard trahissait les sentiments qu’il ne parvenait pas à exprimer. Avec ses vaches, ses bœufs et son chien, ils se comprenaient. Fils obéissant et soumis, il s’appliquait à répondre à ses parents avec déférence.

– Oui, la mère !

– Oui, le père !

Un assentiment permanent qu’il complétait de hochements de tête asiniens.

Les habitants du village devinaient, plus qu’ils ne comprenaient, ses « bonjour, bonsoir » qu’il marmonnait sans lever la tête. Et chacun de jouer les compatissants envers ces Crozes dont la richesse ne faisait pas le bonheur… car, là aussi c’est bien connu, le malheur rend plus sympathique !

Sympathique, justement, n’était pas l’attitude de ce Gustou à l’approche de tout



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