Justice d'exception. L'État face aux crimes politiques et terroristes by Vanessa Codaccioni

Justice d'exception. L'État face aux crimes politiques et terroristes by Vanessa Codaccioni

Auteur:Vanessa Codaccioni [Codaccioni, Vanessa]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782271088697
Google: aqPpCgAAQBAJ
Éditeur: Cnrs
Publié: 2015-11-10T23:00:00+00:00


LA CONFIGURATION DES PROCÈS DE LA GAUCHE PROLÉTARIENNE

Le recours à la justice d’exception contre la Gauche prolétarienne s’inscrit dans un schéma répressif similaire à celui mobilisé dans « l’après-mai 68 », mais la particularité de cette configuration judiciaire est le nombre de procès engagés contre des militants devant la Cour de sûreté. D’abord jugés par les tribunaux correctionnels pour délits de presse[54], ses membres, visés par un décret de dissolution en date du 27 mai 1970, sont à partir de cette date impliqués dans de multiples affaires instruites et jugées pour atteinte à la sûreté de l’État. Désormais, pour la vente de son journal La Cause du peuple, la distribution de tracts ou l’apposition d’affiches maoïstes, les membres de la GP ou ceux qui ont permis l’impression ou la diffusion de leur matériel militant (comme l’éditeur François Maspero par exemple[55]) peuvent être inculpés de reconstitution de ligue dissoute – 57 dossiers sont instruits sous ce chef d’inculpation durant l’année 1970 – et une trentaine de responsables ou de militants sont emprisonnés. Parmi eux, le dirigeant de l’organisation maoïste Alain Geismar, condamné à deux ans de prison le 27 novembre 1970[56], mais surtout de nombreux militants de Paris, du Nord et de l’Est, principalement des étudiants et des activistes aux forts capitaux culturels et scolaires dont quelques « établis » qui ont quitté leur poste à l’Université ou dans le secteur privé pour devenir ouvriers. Les procès dits des « vendeurs de La Cause du peuple » de septembre et d’octobre 1970, lors desquels seize jeunes maoïstes écopent de peines de trois à huit mois de prison pour avoir été arrêtés en possession de tracts, d’affiches ou de journaux en appelant à la violence révolutionnaire, illustrent dès lors la capacité de la juridiction à réprimer les délits d’appartenance et d’opinion, et, surtout, à favoriser la criminalisation de militants qui, pour la plupart arrêtés ou interpellés à de multiples reprises avant la dissolution de la GP, n’avaient jamais été jugés.

Citons par exemple le cas d’Yves Le Doujet, militant sans profession de 20 ans, considéré dès 1969 par les RG comme un « élément très actif et propagandiste maoïste notoire » (il est cette année-là responsable du Comité d’action du lycée de garçons d’Arras et animateur de l’association des amitiés franco-chinoises de la ville), et qui est interpellé à de multiples reprises entre mars 1969 et juin 1970 ou repéré comme ayant participé à des activités « illicites » : le 4 mars 1969, il est appréhendé par les forces de l’ordre alors qu’il transporte des exemplaires de Combat ouvrier ; trois mois plus tard il participe à une manifestation organisée par la GP ; à la fin du mois de juin il est poursuivi pour distribution de tracts ne comportant pas la mention de l’éditeur ; le 4 février 1970, il subit un interrogatoire policier à Fouquières-lès-Lens lors des funérailles de seize mineurs tués dans un accident de travail ; quinze jours plus tard, il est « identifié » pour avoir lancé



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