Joklun-N'Ghar la maudite by Jimmy Guieu

Auteur:Jimmy Guieu [Guieu, Jimmy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Blade et Baker
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1968-04-14T16:00:00+00:00

CHAPITRE VII

Interloqué, le commandant du Maraudeur s’était empressé de retourner sur le dos la jeune N’Gharienne évanouie. Le traditionnel pagne en peau de Tzurkuz autour des hanches, elle portait un collier de crins roux, finement tressés, auquel était suspendu un gri-gri taillé dans une écorce d’un jaune vif et représentant un oiseau, un rapace sans doute.

Red Owens éprouva soudain une curieuse sensation lorsque, revenant à elle, l’indigène souleva les paupières : le regard de ces grands yeux obliques, légèrement étirés sur les tempes, il aurait juré l’avoir déjà vu !

Subjugué par ce regard, à la fois doux et mélancolique, il prit gauchement la main de la jeune femme et lui sourit pour la rassurer.

Subitement autoritaire, la voix sèche de Xundag l’arracha à cette contemplation muette. La N’Gharienne avait imperceptiblement tressailli en entendant ces mots prononcés dans sa propre langue. Red l’aida à se relever et la fit asseoir sur l’un des bancs disposés autour de la longue table dressée devant la « cuisine ».

Un dialogue s’établit entre le guide et la nouvelle venue. Au bout d’un long moment, Xundag traduisit :

— Cette indigène – Lindlioo, c’est son nom – prétend avoir été chassée de son village, loin vers le nord, par son fiancé qui l’a répudiée pour prendre une autre femme. Au milieu de la nuit, alors qu’elle s’apprêtait à demander l’hospitalité à un village – l’un de ceux que nous avons visités hier, probablement – elle a vu et entendu Klanntoak, le Dieu hurlant de la Nuit.

« Lindlioo a eu une peur atroce et s’est évanouie. Quand elle reprit conscience, le village était désert ; les indigènes avaient fui dans la forêt. Lindlioo s’est donc remis en marche, talonnée par la peur, avec la hantise d’être dévorée par le Dieu de la Nuit… L’ayant vu et entendu, elle savait qu’elle allait mourir.

— Étrange similitude de croyance entre cette superstition et la vieille tradition irlandaise des Banshees, murmura Blade. Dans le folklore d’Irlande, les Banshees apparaissent la nuit sous l’aspect de belles créatures, furies hurlantes que seuls entendent ceux qui vont mourir. L’on retrouve, dans les archives de diverses sociétés de recherches métapsychiques anglaises, et ce au moins jusqu’au vingtième siècle, de nombreux témoignages, extrêmement troublants, de personnes affirmant avoir vu ou entendu ces étranges furies hurlantes ; autant de personnes qui moururent effectivement peu après (2).

Le commandant Owens haussa les épaules :

— Elles devaient être cardiaques ou bien il s’agissait de coïncidences, voilà tout.

— Eh ! non, justement… Mais là n’est pas la question.

— En effet, Klanntoak n’est pas une Banshee, c’est un robot ! Xundag, dites à Lindlioo que nous la protégerons. Avec nous, elle n’a rien à craindre de ce guignol électronique et trouvera ici l’hospitalité qu’elle n’a pu obtenir chez les siens.

Le guide traduisit mais, au fur et à mesure qu’il parlait, le visage de Lindlioo, un instant apaisé, se métamorphosa, altéré par la crainte. Partagé entre la peur et l’espoir, son regard allait de l’un à l’autre et sa main, en tremblant, se serra sur celle de Red Owens, comme pour l’implorer.

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