Histoires de mort et d'humour by Collectif

Histoires de mort et d'humour by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Lire, Nouvelles, Policier
ISBN: 2253048127
Éditeur: Presses Pocket
Publié: 1987-12-31T23:00:00+00:00


JE SUIS MORT, CHÉRIE

par O.H. Lesue

Le wagon était couché sur la voie. Dans quelques instants les flammes allaient jaillir. Je rampai sous l’amoncellement de tôles tordues, sans me préoccuper des fragments brûlants de verre et de métal, sur lesquels se posaient mes mains et mes genoux.

Enfin, je sentis un souffle d’air frais sur mon visage, et aussitôt je me mis debout. Je brossai tant bien que mal mes vêtements couverts de poussière. Avec un rugissement de bête sauvage, le feu prit derrière moi et je me hâtai de m’éloigner.

Il y avait à peine dix minutes que la première voiture avait quitté les rails dans un tintamarre infernal, entraînant le reste de l’express de Boston contre le remblai, mais déjà la foule était là. Rien n’attire les badauds comme le sang et les jeux de balle, et les tentes du carnaval étaient déjà plantées. Ils braquaient des projecteurs sur cette scène de cauchemar, se lançant des appels, martelant le métal tordu pour atteindre les survivants. Ils étaient vraiment à leur affaire.

Je me sentais plutôt mal en point, mais du moins n’avais-je rien de cassé. Une fois n’est pas coutume : j’avais eu de la chance ! Dans les derniers mois, j’avais collectionné les catastrophes. Aussi, lorsque j’avais senti le wagon osciller et tanguer dans un bruit d’enfer je m’étais dit : cette fois, mon vieux, tu es bon c’est la fin.

Mais je me trompais. Là-haut, sans doute, quelqu’un avait décidé que je pouvais encore affronter quelques années de tribulations. Les secousses m’avaient projeté contre un sofa de cuir qui s’était renversé sur moi. Lorsque les projectiles meurtriers avaient commencé à tomber du plafond, je me trouvais dans un abri individuel. Tous les autres voyageurs du compartiment – même l’ivrogne en complet voyant qui m’avait payé trois verres pour obtenir le privilège de me raconter sa vie – avaient eu beaucoup moins de chance. Ils étaient au milieu du brasier. À cette pensée, je sentis mon estomac se crisper… Mieux valait ne pas y penser.

Je sentis mes pieds glisser le long d’une pente et je levai les bras pour garder mon équilibre. À quelques mètres plus loin, une pelle à la main, un homme en chemise blanche, mais souillée, me héla.

— Hé ! Monsieur ! ça va ?

— Oui, dis-je, ça va très bien !

— Vous en êtes sorti juste à temps. On monte un poste de secours un peu plus loin. Croyez-vous pouvoir y arriver ?

— Certainement. Où sommes-nous ? Comment s’appelle cette ville ?

— Nous sommes juste à la sortie de Hopkins Falls. De la ville nous avons entendu le bruit de la catastrophe. On aurait dit une bombe.

Il partit en courant. Son visage était blanc sous l’éclat des projecteurs. Je me dirigeai vers le poste de secours, et un jeune gars en uniforme blanc couvert de taches me soutint pour entrer dans la tente. Une matrone était assise devant un bureau un classeur à la main. On eût dit qu’elle s’apprêtait à tenir le rôle de juge dans une exposition d’horticulture.



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