Fabrice Caro by Samouraï

Fabrice Caro by Samouraï

Auteur:Samouraï [Samouraï]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Le jour de la crémation se trouvait dans l’assistance une fille qui me disait vaguement quelque chose et il m’a fallu un moment pour la reconnaître : c’était Christel, le premier grand amour de Marc quand il avait dix-sept ans. Ils étaient restés environ huit mois ensemble, je m’en souviens parfaitement car, à la même époque, je vivais moi aussi ma première grande histoire de cœur avec Cathy. Marc et moi étions en phase même dans nos amours – ou, plus probablement, l’un des deux se retrouvant sans l’autre, il s’était vu plus disponible pour vivre une histoire d’amour, voire s’était mis à la chercher pour ne pas rester seul et désœuvré. Nous étions à ce point en phase que nous avions été quittés à trois jours d’intervalle. Nous nous étions alors retrouvés, à nouveau ensemble à plein temps, comme avant, tels des soldats qui rentrent dans un foyer où plus rien ne subsiste, abîmés, hagards, des gueules cassées de l’amour, et nous avions traversé cet été-là buvant des bières et balayant tout de notre cynisme surpuissant comme ces souffleuses qui font voler les feuilles d’automne tombées sur le bitume.

Et donc Christel était là, avec quelques kilos de plus et une couleur de cheveux inédite, de ces couleurs qui n’existent que sur les cheveux de femmes quadragénaires de province, de ces teintes se situant dans une dimension parallèle entre le fuchsia et le grenat. Elle est venue dire quelques mots au pupitre puis a lancé une chanson que, disait-elle, Marc aimait beaucoup et qui le représentait tout à fait, avait alors retenti Famille de Jean-Jacques Goldman et je me suis posé la question : est-ce que Marc aurait validé ce choix ? Est-ce que, réellement, cette chanson le définissait ? Qui était-elle, elle, pour décider de LA chanson qui le définissait ? Alors qu’elle l’avait largué comme un vieux sac il y a vingt-cinq ans, et peut-être l’avait-elle fréquenté à nouveau entre-temps mais qu’importe, qui était-elle pour s’ériger en garante de la définition de Marc ? Si j’avais dû choisir une chanson qui le représentait, je n’aurais pas su, je n’aurais pas voulu surtout, trop de responsabilité, il faut savoir être humble face au souvenir. Affirmer le jour du grand départ Voilà, je vous le dis, Marc c’était ça, ferme, définitif, Marc c’est ce morceau, point barre, c’est non négociable, non, très peu pour moi. Il faudrait inscrire dans notre testament la bande originale de notre enterrement pour n’être pas trahi une seconde fois par notre premier amour. Mon morceau à moi serait, je crois, La marelle, ritournelle qu’enfant je fredonnais à longueur de journées sans même savoir ce que c’était ni d’où elle venait, mais elle est pour moi le symbole de mon enfance et on revient toujours à l’enfance, on y revient de plus en plus à mesure que le temps passe, et on n’en est jamais aussi près que le jour de notre mort.

Il faudrait que j’appelle ma mère, là, pour lui dire que ma chanson d’obsèques



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