Et là, mon père - Et là, ma mère by Hugues Corriveau

Et là, mon père - Et là, ma mère by Hugues Corriveau

Auteur:Hugues Corriveau [Corriveau, Hugues]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Poésie
ISBN: 9782924397718
Éditeur: Editions du passage
Publié: 2020-02-19T00:00:00+00:00


PREMIÈRE ÉLÉGIE

Mon humaine osseuse, de combien de cœurs es-tu faite, ma mère ?

De combien de corps as-tu besoin ?

Tu as des mains aux phalanges cousues de nerfs enflés.

Toute une vie, sans doute, pour accélérer la vie.

Si essentiel de te poursuivre ainsi.

Mon effarée, ma diaphane.

Ma si tendre minuscule.

Ma si sensible passeuse.

Malgré tes larmes de grande solitaire, dessine-moi le siècle qui raconte des mensonges.

Mon abandonnée, ma simple amoure.

Ton chagrin sans cesse repris.

Tu t’accroches à l’obstination de la terre, à te donner, tête baissée.

Raconte-moi l’heure du berceau, les heures entières du berceau.

La perte est irremplaçable que celle de la discrétion du lait.

Toi, ma bienvenue, c’est le moment de dire.

Ma mère brûle sa chair, résiste, persiste.

Elle est lunaire, solitaire Pietà face à la cérémonie des nuits et des aubes.

Dans tes mains, ma tête ; dans mes mains, ta tête ; et nos regards, nos propriétés simples.

Inquiète de ce qui passe de toi jusqu’au néant.

Fredonnés, ces airs chagrins pour l’âge du tendre.

Tu me chanteras encore les petits navires, les enfants de la lune ou les jupons de laine.

Murmure-moi la survivance même des âmes.

Allons, encore des fourmis qui montent, des araignées qui piquent.

Enfant, oisillon posé au nid qui pousse ses trilles.

Tu as tenu ton rôle, à l’époque des grandes églises, des confessions timides, des obligations fiévreuses.

Contraintes, corsets au ventre, ventre gonflé du sang à venir.

Tu as porté des fruits mûrs jusqu’à la pulpe ; gestes penchés sur les pots de grès.

Tu te rappelles Adèle, Délima, Nellie ou Louisia.

Passé si lointain, si loin des bateaux blancs.

Tu pleures, pour ne pas déranger le passage du vent sur les fleurs.

Paisible, porteuse, absorbée par la nuit.

Tu galbes nos visages définitifs.

Tes mains de talc et d’odeur.

Ma mère de jour, ma mère de nuit.

Aujourd’hui, à toi les finesses du vin blanc, le champagne, eau sonore, pour le plaisir de parler-rire.

Ma venue des profondeurs.

Dernière heure, premier trouble.

Ces cryptes de quartz et de micas.

Ces cimetières où se pavanent des fantômes.

Ne pas s’effriter avec les cauchemars.

L’oxygène en manque, à chaque coup de pompe.

Toujours émoi, ma si présente.

Tu cherches des poux, tu fouilles les crânes, mon enfance inachevée.

Je vois les naissances d’aube, je vois l’affaiblissement de la lumière avec son soleil et ses fins de jour sur les brumes.

Le délice de savoir ce velours sur les agonisants, leur précis de mort.

Tu saignes des naissances passées.

Sur nous, flou, l’esprit de cette douleur.

Te reconnaître, soutenue par la vigueur trempée à l’heure de la chute.

Pour toi cet instant de l’après-vie qui arrondit le ventre.

Mobile, ta très précise raison de te tenir debout, confrontant le ponant ou le levant, les arrière-saisons de vive glace.

Fétu de paille que la mémoire.



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