Douze contes vagabonds by Garcia Marquez Gabriel

Douze contes vagabonds by Garcia Marquez Gabriel

Auteur:Garcia Marquez, Gabriel [Garcia Marquez, Gabriel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Contes, Littérature Colombienne
Éditeur: Si vous lisez tous les livres de cette bibliothèque, à raison d'un livre par semaine, vous en avez pour au moins quarante ans
Publié: 0100-12-31T23:00:00+00:00


Avril 1978

ÉPOUVANTES D’UN MOIS D’AOÛT

Nous entrâmes dans Arezzo peu avant midi et perdîmes plus de deux heures à chercher le château Renaissance que l’écrivain vénézuélien Miguel Otero Silva avait acheté dans ce coin idyllique de la campagne toscane. En ce dimanche, au début d’un mois d’août torride et tumultueux, il n’était guère facile de trouver quelqu’un qui sût quelque chose dans les rues débordantes de touristes. Au bout de plusieurs tentatives inutiles nous reprîmes la voiture et quittâmes la ville par un chemin bordé de cyprès sans aucun panneau indicateur, et une vieille gardienne d’oies nous expliqua avec précision comment trouver le château. Avant de nous dire adieu elle nous demanda si nous pensions y passer la nuit et nous lui répondîmes que nous n’avions prévu que d’y rester pour déjeuner.

« Encore heureux, dit-elle, parce que la maison est hantée. »

Ma femme et moi, qui ne croyons pas aux apparitions de midi, nous nous moquâmes de sa crédulité. Mais nos deux enfants, âgés de neuf et sept ans, ne purent dissimuler leur joie à l’idée de faire la connaissance d’un fantôme en chair et en os.

Miguel Otero Silva, écrivain de talent, mais aussi amphitryon magnifique et gourmet raffiné, nous attendait avec un déjeuner inoubliable. Comme nous avions beaucoup tardé, nous n’eûmes pas le temps de visiter le château avant de nous mettre à table, mais son apparence n’avait rien d’effrayant, et toute inquiétude s’envolait lorsque, de la terrasse fleurie où nous déjeunions, la ville tout entière s’offrait à la vue. Il était difficile de croire que sur cette colline flanquée de maisons où vivaient à peine quatre-vingt mille personnes, tant d’hommes au génie impérissable fussent nés. Toutefois, Miguel Otero Silva nous déclara avec son humour caribéen que l’homme le plus insigne d’Arezzo ne faisait pas partie de leur nombre.

« Le plus grand, affirma-t-il, fut Ludovico. »

Comme ça, sans nom de famille : Ludovico, le grand seigneur des arts et de la guerre, qui avait bâti le château pour son malheur, et dont Miguel nous entretint tout au long du déjeuner. Il nous parla de son pouvoir immense, de son amour contrarié et de sa mort épouvantable. Il nous raconta comment, en un instant de folie du cœur, il avait poignardé sa dame dans le lit où ils venaient de s’aimer, puis excité contre lui ses féroces chiens de guerre qui le déchiquetèrent à belles dents. Il nous affirma, avec le plus grand sérieux, qu’à partir de minuit le spectre de Ludovico hantait la maison plongée dans les ténèbres, pour tenter de trouver la paix dans son purgatoire d’amour.

Le château était en fait immense et sombre. Mais dans la lumière du jour, avec l’estomac plein et le cœur content, nous ne pouvions que prendre le récit de Miguel pour une de ses nombreuses plaisanteries qui amusaient ses invités. Les quatre-vingt-deux pièces que nous parcourûmes sans étonnement après la sieste avaient subi de la part de leurs propriétaires successifs toutes sortes de transformations. Miguel avait fait restaurer l’ensemble du rez-de-chaussée et aménager



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