Croquis by Henry Gréville

Croquis by Henry Gréville

Auteur:Henry Gréville [Gréville, Henry]
Format: epub
Éditeur: La Bibliothèque électronique du Québec
Publié: 2009-05-28T08:20:34+00:00


L’ours blanc

Un riche seigneur russe s’ennuyait dans ses terres ; cependant, comme la plupart des propriétaires campagnards, il aimait mieux s’ennuyer chez lui que de s’amuser autre part. Où eût-il pu, du reste, trouver une cuisine aussi parfaite, des fruits aussi savoureux, de la crème aussi fraîche, et en toute saison la liberté d’agir à sa guise ?

Mais, précisément parce qu’il était le maître chez lui, il ne détestait pas un peu de controverse, et par-dessus tout il aimait les histoires.

Il les aimait tant, qu’il s’était fait raconter tout ce qu’il y avait d’anecdotes au monde : il en savait de russes, bien entendu, de finnoises, de toungouses, de chinoises, d’américaines, d’indoues... je ne parle pas des anecdotes françaises, celles-là sont les plus nombreuses, et, il faut bien l’avouer, souvent les meilleures.

Un jour qu’il s’ennuyait, comme à l’ordinaire, il vit arriver son neveu, jeune homme du plus bel avenir, diplomate en herbe, mais d’une herbe qui commence à pousser dru ; et ce neveu, qui ne venait guère qu’à court d’argent, se montra ce jour-là d’une prévenance extraordinaire.

– Qu’est-ce que tu es venu me demander ? fit l’oncle quand on eut servi le thé, pendant qu’ils allumaient des papiros.

– Oh ! mon oncle ! s’écria le neveu d’un air vexé.

– Il n’y a pas de quoi te fâcher, reprit l’oncle. Je suis toujours enchanté de recevoir des visites, – tu me désennuies ; aussi je bénis secrètement les déboires qui t’amènent ici.

– Eh bien, mon cher oncle, fit notre diplomate, en prenant, comme on dit, le taureau par les cornes, voici une belle occasion de remercier la Providence.

– Eh ! fit l’oncle en dressant l’oreille, si elle est trop belle, je ne bénirai rien du tout. Combien ?

– Cinq mille roubles, mon cher oncle... le meilleur des oncles !

– Je ne bénis pas ! dit l’oncle d’un air froid.

L’avant-dernière fois, c’était cinq cents roubles ; la dernière, mille : je trouve la progression trop rapide. Tu peux t’en retourner ; j’aime encore mieux m’ennuyer.

– Mon oncle adoré... je viendrai gratis la prochaine fois, je resterai une semaine entière !

Le neveu avait, en disant ces mots, une si drôle de mine, que l’oncle n’y put tenir, et se mit à rire. Voyant qu’il gagnait du terrain, le jeune homme reprit courage.

– Donnez-moi cinq mille roubles, mon cher oncle, et je vous raconterai une histoire toute neuve.

– Cinq mille roubles, malheureux ! Et qu’en veux-tu faire ?

– Je les ai perdus au jeu ! Un ami me les a prêtés pour payer dans les vingt-quatre heures, mais il en a besoin d’ici quinze jours.

– Imbécile ! Tu aurais pu t’amuser, faire la connaissance de deux ou trois petites personnes qui t’auraient si bien mangé ça, et presque aussi vite !

– Oh ! mon oncle, fit pudiquement le neveu... Dans la diplomatie !

– Hem !... je crois que tu te moques de moi... Voyons ton histoire. Mais si elle n’est pas bonne, tu n’auras rien !

– C’est entendu, mon oncle. Vous pouvez payer d’avance.



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