CHURCHILL by François Bédarida

CHURCHILL by François Bédarida

Auteur:François Bédarida
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard


CHAPITRE V

Amirauté 1939-1940

« WINSTON IS BACK »

« La guerre est horrible, mais la servitude est pire », avait averti Churchill dans les premiers jours de 19391. De fait, une fois la guerre déclarée par le Royaume-Uni à l'Allemagne le 3 septembre 1939 à 11 heures du matin, Winston, devant la Chambre des communes, définit d'emblée le conflit en termes de guerre idéologique. Pour lui l'enjeu est clair : une lutte implacable pour la dignité de l'homme. Il ne s'agit point, explique-t-il, de se battre pour Dantzig ou pour la Pologne : « Nous nous battons pour sauver le monde entier de ce fléau pestilentiel qu'est la tyrannie nazie et pour défendre tout ce que l'homme a de plus sacré2. »

Ce même jour, Chamberlain, convaincu maintenant qu'il est indispensable de faire entrer Churchill au gouvernement, lui offre le poste de Premier lord de l'Amirauté, avec un siège au cabinet de guerre. Voilà donc le rebelle revenu à Admiralty House sur les lieux mêmes qu'il avait quittés, humilié et discrédité, en mai 1915. Aussitôt la tradition veut qu'un signal ait été envoyé par l'Amirauté à destination de tous les navires et de toutes les stations de la Royal Navy éparpillés à la surface du globe avec ces trois mots : « WINSTON IS BACK ». La saga churchillienne a si bien popularisé ce message triomphal que celui-ci a été repris en chœur partout : dans les biographies, les traités savants, les manuels, les livres d'images. L'histoire est belle (se non è vero, è ben trovato), mais force est de convenir que c'est là une légende, comme l'a démontré le biographe officiel de Churchill, Martin Gilbert, qui, après avoir fouillé toutes les archives possibles, n'a jamais pu trouver la moindre trace du signal3. Ce qui en revanche est indiscutable, c'est que la nomination du Premier lord est bien accueillie par la Royal Navy et que sa cote y est élevée - à la différence de 1914-1915.

Selon son habitude, Winston, dès son arrivée à l'Amirauté, a déployé une activité inlassable et fait régner à tous les échelons des bouffées d'air frais propre à galvaniser les énergies. Il établit une bonne relation avec le First Sea Lord, l'amiral Dudley Pound, et avec les chefs des différents services. On a beaucoup argumenté pour savoir si le Premier lord de l'Amirauté s'était montré aussi directif et aussi interventionniste dans les opérations que pendant la Grande Guerre. À ce sujet, une vive polémique a opposé l'historien américain Arthur Marder, éminent spécialiste de la marine britannique, et le capitaine de vaisseau Stephen Roskill, historien officiel de la Navy, le premier soutenant que, malgré son activisme, Churchill n'a pas empiété indûment sur les attributions de l'état-major et des services de la marine, le second affirmant au contraire que l'Amirauté – en particulier Pound - ainsi que les chefs de la flotte en mer ont à maintes reprises subi la férule intempestive du Premier lord. À vrai dire, il semble bien que Churchill, instruit par ses déboires passés, ait refréné ses



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