Bom dia, Roma ! (French Edition) by A. J. Forest

Bom dia, Roma ! (French Edition) by A. J. Forest

Auteur:A. J. Forest [Forest, A. J.]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782322032792
Publié: 2023-04-30T22:00:00+00:00


17

Sœurs de peur

La petite amie de Pablo est à Lisbonne pour le week-end. D’un commun accord, l’ensemble des colocataires a déserté l’appartement pour permettre aux Madrilènes d’exprimer librement la joie de leurs retrouvailles. Ainsi, Mei et Jan sont partis en virée shopping dans les luxueuses boutiques de l’Avenida da Liberdade. Quant à moi, j’ai choisi d’accompagner Aaron et Patrick à un match de basket informel entre étudiants étrangers.

La rencontre a lieu loin du centre, au pied du Ponte 25 de Abril. Installée au bord du quai dans l’ombre de ses fondations monumentales, je lève le nez vers la voûte de métal dont l’architecture et la teinte rouge ne sont pas sans rappeler le Golden Gate de San Francisco.

— T’as pris des couleurs.

La silhouette d’Aaron s’approche nonchalamment, un ballon de basket sous le bras. J’examine le dos de ma main. Le soleil d’avril, si timide dans notre région d’origine, travaille ici d’arrache-pied à booster notre taux de mélanine et donner aux fruits la saveur sucrée qui nous ravira tout l’été.

— Je bronze facilement, contrairement à d’autres.

Je lui coule un regard taquin, lui dont l’épiderme reste en accord parfait avec sa chevelure couleur blé et ses yeux pâles. Aaron ignore ma remarque et imprime à la balle des rebonds paresseux qui résonnent sur la dalle de béton.

— Tu t’es décidée à aller voir les flics ?

Brut de décoffrage, comme à son habitude. Deux jours ont passé depuis notre soirée étudiante ponctuée de relents de fer. J’espérais naïvement qu’il me lâcherait la grappe avec ça, c’est râpé.

— Non. J’ai été agressée en France il y a des mois, qu’est-ce que tu veux que les Portugais y fassent ? J’aviserai à mon retour, éludé-je, peu disposée à revenir sur le sujet.

Ma réponse ne le satisfait pas. Je le remarque au regain de tension dans ses mâchoires alors qu’il récupère le ballon pour le faire tourner sur son doigt.

— Tu penses toujours que c’est Ilan ?

— Arrête, tu sais que je n’avais pas les idées claires l’autre soir. Je ne pense rien du tout, et tu devrais arrêter d’y penser aussi. Même si on retrouvait celui qui m’a frappée, on sait tous les deux qu’il écoperait d’une peine aussi marquante qu’un mot dans un carnet de correspondance.

— Pas si je m’occupe de son cas.

— Raison de plus pour laisser courir. Tu ferais plus de taule que lui.

— Tu viendrais me voir au parloir ?

— Compte dessus, rétorqué-je en roulant des yeux.

Un demi-sourire étire le coin de sa bouche. Patrick, jusque-là engagé dans une compétition de pompes avec ses coéquipiers, nous siffle pour signifier son impatience d’en découdre. Aaron me confie son téléphone et ses clefs, mais ne bouge pas d’un muscle.

— Tu devrais en parler à Safié.

— Pourquoi ?

— Ta sœur est mon héros.

— Elle ne peut pas te voir en peinture, souligné-je. Avec ça, plus elle vieillit, plus elle me couve. On dirait ma mère.

— T’exagères, elle ne s’est pas opposée à ton Erasmus.

— Détrompe-toi. En plus de ça, elle croit que je suis aux Pays-Bas.



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